Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Marcel Bonnot

Réunion du 29 juin 2011 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarcel Bonnot, rapporteur :

Le texte dont nous sommes saisis a été adopté par le Sénat le 14 avril, après engagement de la procédure accélérée. Il s'inscrit dans la démarche de modernisation de l'organisation judiciaire engagée par le Gouvernement depuis plusieurs années et qui se fonde sur plusieurs éminents rapports, à commencer par celui de la commission sur la répartition des contentieux présidée par le recteur Serge Guinchard, remis en juin 2008 au garde des Sceaux et qui contient 65 propositions sur l'organisation judiciaire, l'accès à la justice et la procédure, la déjudiciarisation et l'allègement des procédures.

Certaines de ces propositions avaient déjà été mises en oeuvre. Ainsi, la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures a ajouté aux compétences du juge aux affaires familiales les mesures de tutelle des mineurs et a organisé la spécialisation de certains tribunaux de grande instance en matière d'adoption internationale. La loi du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires, dite « loi Béteille », a mis en place une procédure participative de négociation assistée par avocat. La loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées, ainsi que la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, ont repris d'autres préconisations du rapport Guinchard.

Le présent projet vise un double objectif : simplifier et rationaliser notre organisation judiciaire ; alléger certaines procédures. C'est un texte extrêmement technique, qui couvre des aspects très divers de l'activité judiciaire : juridictions de proximité, justice militaire, droit de la famille, procédures pénales simplifiées, juridictions spécialisées… Le Sénat, en première lecture, l'a largement validé et enrichi. Il a cependant refusé de simplifier la procédure de divorce par consentement mutuel en l'absence d'enfant, estimant que les deux époux devaient continuer à se présenter devant le juge aux affaires familiales. Je suis de cet avis : le divorce doit être entouré d'une certaine solennité et le passage devant le juge, d'ailleurs assez bref dans ce type d'affaires, demeure essentiel pour qu'il s'assure de la réalité du consentement des deux époux. Je vous inviterai donc à maintenir la suppression de l'article 13 du projet.

Le premier axe du texte vise à simplifier l'articulation des contentieux civils de première instance. Pour cela, il supprime la juridiction de proximité en tant qu'ordre de juridiction distinct, devenu source de complexité pour les justiciables, et rattache les juges de proximité au TGI. Il améliore aussi la répartition des contentieux entre tribunaux d'instance et de grande instance, avec une ligne de partage fondée soit sur le montant du litige, le TGI étant compétent à partir de 10 000 euros, soit sur un rattachement matériel – ainsi le contentieux douanier relèvera-t-il entièrement du TGI, qui connaît déjà du contentieux fiscal dont il est proche. Enfin, la procédure d'injonction de payer est étendue aux TGI tandis qu'une injonction de payer européenne et une procédure européenne des petits litiges sont mises en place, conformément aux exigences de la Commission et du Parlement européen.

Le second objet du texte est de regrouper certains contentieux techniques au sein de juridictions spécialisées. Il crée ainsi un pôle spécialisé en matière de crimes contre l'humanité, crimes et délits de guerre et actes de torture. L'ensemble des organisations de protection des droits de l'homme se réjouissent de cette disposition qui nous fait rejoindre nombre de pays européens. D'autres pôles seront compétents en matière d'accidents collectifs, afin d'améliorer l'enquête et le traitement judiciaire des grandes catastrophes, telles que celles du tunnel du Mont-Blanc, de l'usine AZF ou du mont Sainte-Odile.

Troisième axe du texte : le développement des modes alternatifs de règlement des litiges. En matière civile, il est prévu d'expérimenter pour trois ans une médiation familiale obligatoire avant de saisir le juge en vue de modifier les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Je suis toutefois d'accord avec le Sénat pour écarter cette médiation lorsqu'elle serait de nature à trop retarder le jugement au fond par le juge. En matière pénale, le texte veut développer la transaction pénale : à l'initiative du Gouvernement, le Sénat a étendu substantiellement le champ de cette procédure, en ce qui concerne le droit de la concurrence et de la consommation ainsi que le tabagisme et la commercialisation d'alcool.

Le texte vise aussi à développer les procédures pénales simplifiées que sont l'ordonnance pénale, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) et l'amende forfaitaire. L'ordonnance pénale, qui est encadrée par de sérieuses garanties, est très efficace pour traiter des contentieux de masse. L'article 20 étend son champ d'application aux délits pouvant être jugés par le tribunal correctionnel statuant à juge unique, sous réserve de quelques exceptions. Par ailleurs, le recours à cette procédure est dorénavant ouvert aux victimes ayant formé une demande de dommages et intérêts. La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, créée par la loi Perben II du 9 mars 2004, s'est progressivement imposée comme un mode rapide et efficace pour juger les délits de gravité moyenne, lorsque les faits sont simples et reconnus. L'article 21 permet d'y recourir d'une part à l'issue d'une instruction et d'autre part pour tous les délits, quel que soit le niveau de la peine encourue, à l'exclusion toutefois des atteintes à l'intégrité des personnes, des menaces et des agressions sexuelles. Enfin, l'article 22 étend le champ d'application de l'amende forfaitaire aux contraventions de la cinquième classe, à l'exclusion toutefois de celles qui deviennent un délit lorsqu'elles sont commises en récidive.

Enfin, le texte s'attache à rationaliser et simplifier les règles procédurales applicables aux militaires. Le Gouvernement avait proposé deux mesures importantes : la suppression du tribunal aux armées de Paris, créé par la loi 10 novembre 1999 pour connaître des infractions commises par les membres des forces armées hors du territoire national, compétence transférée au tribunal de grande instance de Paris ; et la suppression du caractère automatique de la perte de grade à l'occasion d'une condamnation pénale. Ces mesures consensuelles parachèvent le processus, engagé en 1982, de normalisation de la justice des militaires, sans pour autant nier les spécificités de leur statut. Le Sénat, à l'initiative de sa commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, saisie pour avis, a souhaité y ajouter des mesures plus ponctuelles, notamment en matière de désertion ou d'avis des autorités hiérarchiques à l'égard de toute velléité de poursuite du parquet. Il s'agit moins d'une libéralisation que d'une clarification, assortie du renforcement de certaines spécificités.

Je vous invite donc à adopter le présent projet sous réserve des amendements que je vous présenterai, dont la plupart sont purement rédactionnels.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion