Du Secours catholique à la Fondation Abbé-Pierre, en passant par le DAL et France-Terre d'asile, toutes se sont insurgées contre l'injustice et l'inefficacité de votre texte. Le 12 février dernier – il s'agit donc d'une déclaration récente –, dans un communiqué de presse commun, ces associations se sont ainsi exprimées :
« Alors que la crise du logement qui sévit dans notre pays est sans précédent, le Collectif des associations unies dénonce le manque de volonté politique du Gouvernement. Il déplore le décalage entre l'étendue des dégâts sociaux que provoque cette crise et l'absence de réponses à la hauteur des enjeux posés. […] Il rappelle aussi que la baisse du budget de la ville et du logement pour l'année 2009 constitue un désengagement inacceptable de l'État, les prélèvements sur les fonds du 1 % logement ne représentant qu'une “compensation optique ” et le plan de relance restant insuffisant. Dans ce contexte déjà préoccupant, le projet de loi dit de “mobilisation pour le logement” accentue encore fortement nos inquiétudes. »
Nous ne pouvons malheureusement que partager cette analyse.
Les organisations de locataires ont également dénoncé le texte. La remise en cause du droit au maintien dans les lieux, l'explosion des surloyers, l'abaissement du plafond de ressources et le raccourcissement des délais d'expulsion ont cristallisé les critiques. Quel est l'objectif de telles dispositions, si ce n'est d'exclure du parc social une partie des demandeurs et de réduire artificiellement les chiffres qui accablent la politique gouvernementale ?
Que feront les familles expulsées ou poussées vers la sortie, alors même que le projet de loi s'annonce comme une nouvelle trappe à précarité ? Elles entreront dans un engrenage dont les conséquences sociales à court et moyen termes seront désastreuses.
Votre texte a, par ailleurs, été dénoncé par les organismes bailleurs, qui mettent en cause son autoritarisme et la reprise en main par l'État de leur gouvernance. Au travers des conventions d'utilité sociale et par des ponctions dans leur trésorerie, vous poussez ces organismes vers l'autofinancement. Vous palliez le désengagement de l'État en encourageant la mise en place de surloyers et la vente à la découpe de leur patrimoine.
Les partenaires sociaux se sont joints à cette dénonciation. En effet, le coeur du projet de loi MOLLE résidait sans aucun doute dans la captation par l'État des fonds du 1 % afin de pallier son désengagement : un budget en baisse de 7 %, dont moins 350 millions d'euros pour la seule rénovation urbaine. Le Gouvernement a fait le choix de renier ses engagements en réorientant le financement total de l'ANAH et de l'ANRU vers le 1 %, fragilisant par là même la réalisation du PNRU.
En outre, la réforme fait peser de lourdes menaces sur l'avenir du 1 %. M. Bédier, président de l'UESL, n'a eu de cesse de répéter que « le caractère durable du fonctionnement du 1 % n'était pas aujourd'hui garanti ». En ponctionnant près des trois-quarts de la collecte du 1 %, il est vrai que vous mettez en danger les retours sur prêt qui, à l'heure actuelle, représentent près de 3 milliards d'euros. À terme, nous pourrions assister à l'assèchement des fonds issus de la participation des employeurs à l'effort de construction.
Ce fut, enfin, au tour des élus locaux de dénoncer votre texte. La suppression, au Sénat, de l'article 17, tendant à insérer l'accession sociale à la propriété dans les 20 % de la loi SRU, a traduit leur scepticisme quant à l'extension du Pass-foncier, qui transfère en partie le coût des politiques du logement sur les collectivités. Les élus locaux se sont majoritairement opposés au détricotage de la solidarité nationale.
Le mal-logement, notamment en zone tendue, doit être combattu de façon homogène et cohérente entre les différentes structures administratives et politiques. La loi SRU doit être maintenue et renforcée, car la solidarité territoriale est la clé face au problème du logement et des enjeux sociaux qu'il sous-tend. Les pouvoirs publics se doivent d'oeuvrer de concert pour apporter des solutions durables et efficaces à la crise du logement.
À ce titre, nous avons rappelé l'immobilisme coupable de l'État face au scandale des villes qui refusent toujours opiniâtrement de construire des logements sociaux de type PLUS et PLAI, et donc à participer à l'effort de solidarité nationale. Nous avons proposé des amendements visant simplement à contraindre les maires au respect de la loi. Tous ont été rejetés, ce qui contribue à décrédibiliser un peu plus l'action du Gouvernement sur le terrain de la reconnaissance effective du droit au logement.
Tout au long du débat parlementaire, nous nous sommes fait l'écho des revendications de ces différents acteurs. À de rares exceptions près, votre majorité et vous-même, madame la ministre, êtes demeurés inflexibles. Pourtant, nous ne nions pas certaines avancées. Les conclusions de la CMP ont confirmé les timides modifications concédées. Nous saluons, entre autres, le fait que l'âge au-delà duquel les mesures de mobilité contrainte ne sont plus applicables, ait été abaissé à soixante-cinq ans, même si nous avions proposé le seuil de soixante ans. Nous apprécions également l'adoption d'une disposition que nous avions proposée prenant en compte les pathologies graves, disposition reprise dans des termes à peu près équivalents par le texte de la CMP.
Tout cela reste cependant bien marginal et le passage du texte à l'Assemblée n'aura pas apporté de changement majeur, contrairement à ce qui s'est passé au Sénat. L'essence du texte n'a pas été modifiée et les injustices que nous dénoncions au début de la discussion n'ont pas été écartées. Oui, il aurait fallu faire du logement une priorité nationale. L'histoire des politiques publiques du logement a toujours été marquée par de grands textes : la loi de 1954, la loi Quilliot, la loi SRU puis le DALO.
Face à l'ampleur de la crise et à l'injustice que représentent les inégalités d'accès à un logement et de sa jouissance, il aurait fallu que l'État s'engage dans un plan massif de construction, s'attaque au dossier de la maîtrise des loyers dans le secteur privé, renforce les contraintes en cas de non-application de la SRU, enfin facilite les procédures de réquisition. Tel n'a pas été le cas. Le projet de loi MOLLE n'est pas à la hauteur de la crise actuelle. Il est condamné à demeurer inefficace faute de moyens alloués aux politiques du logement et à cause de la chape de plomb idéologique qui pèse sur lui.
Pour toutes ces raisons, les députés communistes, républicains, Verts et du parti de gauche voteront contre ce texte et vous posent une dernière question, madame la ministre : les dizaines de décrets d'application qu'il implique seront-ils un jour publiés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)