J'évoquerai d'abord la situation des réacteurs accidentés, celle des territoires contaminés, puis les conséquences radiologiques pour la population, et enfin les conséquences techniques de cette catastrophe en France.
La situation des réacteurs est relativement stable. Les exploitants japonais ont devant eux un chantier de longue haleine pour récupérer un système pérenne de refroidissement et concevoir des installations qui permettront d'évacuer les combustibles des piscines des quatre réacteurs. Sauf en cas de nouvelle agression naturelle, en particulier du fait d'un tremblement de terre, la situation ne devrait pas connaître d'évolution.
Le professeur Suzuki rappelait hier à Vienne qu'en 2006, alors qu'il en était le président, la Commission de sûreté nucléaire du Japon avait remis un rapport au Gouvernement japonais pointant la nécessité de réaliser des études approfondies par rapport aux risques que présenterait un tsunami sur un certain nombre de sites, dont celui de Fukushima. M. Suzuki a regretté hier devant les experts l'absence de réaction de l'autorité de sûreté japonaise. Les études n'ont jamais été réalisées et l'imprévisible s'est produit. Cet événement nous montre que les études probabilistes ne doivent pas faire l'impasse sur les risques à très faible probabilité. Cet enseignement fondamental vaut également pour notre pays.
S'agissant de la contamination des territoires, je rappelle que, le 21 mars, l'IRSN a publié sur son site internet une note d'analyse qualifiant les rejets qui s'étaient dirigés vers l'intérieur des terres, et non plus vers l'océan Pacifique, de « très importants », entraînant la contamination d'une zone assez étendue. Cette crainte s'est malheureusement confirmée puisque, le 21 mai, le Gouvernement japonais a confirmé la nécessité d'évacuer les territoires au-delà de la zone de 30 kilomètres, soit 10 kilomètres de plus que les 20 kilomètres prévus. On a enregistré des zones fortement contaminées en direction du nord-ouest jusqu'à 40, voire 45 kilomètres. Les prévisions de l'IRSN se sont donc malheureusement vérifiées. Le « terme source » fixant les rejets à 10 % de la catastrophe de Tchernobyl a été confirmé par les autorités japonaises et compte tenu de l'étendue des territoires contaminés, le classement 7 sur l'échelle INES nous semble parfaitement justifié.
Le 23 mai, l'IRSN a publié une note, qui a été adressée à un certain nombre de parlementaires, sur les conséquences radiologiques de la catastrophe, dans l'esprit du TSO (Technical safety organisation) français qui, dans une situation équivalente, aurait adressé aux autorités publiques des recommandations sur le traitement des populations présentes dans les territoires contaminés. Dans cette note, l'Institut exprimait son inquiétude face à l'exposition de la population à l'iode. En effet, les autorités japonaises n'ont pas suffisamment développé la prophylaxie par l'iode et l'on ne peut exclure des conséquences sanitaires, en particulier pour les enfants.
J'en viens aux impacts de cette catastrophe pour notre pays.
L'IRSN a fourni 280 dosimètres à des personnes se rendant au Japon, principalement des journalistes et des ingénieurs. Sur les 128 mesures anthropogammamétriques que nous avons réalisées, 60 se sont révélées positives. Les personnes concernées présentaient des doses très faibles de césium, et plus rarement d'iode, mais elles n'avaient passé que quelques jours au Japon. Nous avons mis en place un centre de crise sanitaire (CCS) qui nous a permis de répondre à l'appel de plusieurs centaines de personnes inquiètes des conséquences pour leur santé d'une exposition potentielle. Nous avons en outre aidé de nombreuses entreprises qui souhaitaient poursuivre leur activité au Japon. Notre site internet a reçu 2 millions de visites en France et répondu à plus de 5 millions de consultations.
Au cours de cette période, l'IRSN a enregistré dix-sept saisines, dont six de l'Autorité de sûreté nucléaire, quatre de la direction générale du travail, trois de la direction générale de la santé, deux du SGDSN, une de la DGCCRF, relative à l'importation de produits alimentaires, et une de la direction de la sécurité civile. Ces saisines démontrent l'aspect interministériel d'une crise qui s'est pourtant produite à 15 000 kilomètres de la France.
J'en viens à la polémique engagée par la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD). Dans un courrier adressé au Premier ministre, la CRIIRAD a accusé l'IRSN d'avoir mal évalué la présence d'iode dans l'atmosphère au-dessus de la France et la date à laquelle les masses d'air contaminées devaient survoler notre pays. Il faut rappeler que ces contaminations étaient quasiment imperceptibles. Je rappelle que mesurer l'iode particulaire et gazeux exige des instruments différents et que la mesure de l'iode gazeux nécessite un délai plus long. L'IRSN a bien fait son travail. La CRIIRAD a en outre commis des erreurs dans l'analyse des données publiées par le Réseau national des mesures, dont elle ne fait pas partie. Si cela avait été le cas, elle aurait su que la date indiquée sur le site internet est celle de la mise en place du prélèvement et non celle du début de la contamination. Nous avons réfuté ces assertions dans une note que nous avons rendue publique.