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Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 23 juin 2011 à 9h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Article 6, amendements 30 94

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg :

Avec cet article 6, nous abordons le chapitre du projet de loi consacré à la cour d'assises. À ce stade des débats, plusieurs faits ressortent.

Le premier, c'est que nous avons eu affaire à trois versions différentes du texte en ce qui concerne la composition des jurys d'assises. Il y avait d'abord un projet gouvernemental. Puis, le Sénat l'a complètement bouleversé, en diminuant le nombre de jurés, en première instance comme en appel. Le texte a été ainsi transmis à l'Assemblée nationale, et voilà que notre rapporteur propose encore un autre système, totalement différent, avec trois magistrats professionnels et trois jurés. Et le Gouvernement revient à sa version initiale.

Tout cela nous laisse penser que rien n'est absolument mûr pour cette modification de la composition des jurys d'assises.

Deuxième observation : nous cherchons à lutter contre un phénomène auquel nous sommes tous opposés, celui de la correctionnalisation. Tous les crimes, en effet ne sont pas jugés en cour d'assises. Une partie d'entre eux sont requalifiés en délits afin d'être jugés en correctionnelle, parce qu'il n'y a pas assez de place dans le calendrier des audiences des cours d'assises.

Je vous renvoie aux propos de M. Estrosi, qui nous a expliqué hier, à cette tribune, que nous n'avons aucun chiffre permettant de mesurer ce phénomène de la correctionnalisation. Nous nous accordons tous à dire qu'il s'agirait de 70 ou de 80 %, mais nous ne savons pas véritablement le nombre de crimes requalifiés en délits. Les statistiques policières laissent apparaître qu'il y aurait, en gros, 17 000 dossiers criminels, mais elles ne les comptabilisent pas un par un, et la ventilation à laquelle procède l'état 4001 ne permet pas toujours de bien repérer les dossiers criminels. On les repère facilement s'agissant des viols, mais beaucoup plus difficilement s'agissant des homicides. Nous sommes donc en train d'essayer de juguler un phénomène dont nous ne mesurons pas véritablement l'ampleur.

Troisième observation : la cour d'assises est une institution vieille de deux siècles, qui a une valeur symbolique. Juger des crimes, c'est évidemment un acte technique, qui consiste à se prononcer cas par cas. Mais c'est aussi un acte social symbolique, par lequel une société essaie de réparer symboliquement la blessure faite au corps social.

En conséquence, nous ne pouvons pas, d'un trait de plume, au détour d'un volet d'une loi qui concerne principalement les tribunaux correctionnels, modifier le fonctionnement des cours d'assises. Il y a une dimension symbolique et politique qui n'est pas prise ici en considération, et nous nous tromperions lourdement, majorité comme opposition, si nous laissions cette réforme se faire dans ces conditions.

Nous ne connaissons pas l'exacte ampleur du phénomène contre lequel nous luttons, et nous ne mesurons pas la portée politique, au sens large, de cette intervention.

(Les amendements identiques nos 30 et 94 ne sont pas adoptés.)

(L'article 6 est adopté.)

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