Par les accords de Matignon de 1988, puis par l'accord de Nouméa de 1998, la Nouvelle-Calédonie a pris en main son destin afin de définir un avenir partagé entre les différentes communautés qui composent cette société particulière au sein de la République. D'où la mise en place d'institutions spécifiques et d'un droit constitutionnel particulier, d'essence quasiment fédérale, par l'intégration des principes de l'accord de Nouméa au sein de la Constitution française. Parmi ces principes figurent ceux de collégialité et de proportionnalité du gouvernement, élu à la représentation proportionnelle par le congrès, qui doit représenter toutes les communautés et tous les partis.
Le présent projet de loi organique, qui nous est soumis dans le cadre d'une procédure accélérée, a pour objectif de mettre fin au détournement de la procédure prévue à l'article 121 du statut de 1999 pour assurer le maintien de cette collégialité. Ce détournement a eu pour effet de bloquer le fonctionnement des institutions néo-calédoniennes : du 17 février au 10 juin dernier, la Nouvelle-Calédonie n'a pas été en mesure de désigner un gouvernement qui ne soit pas immédiatement démissionnaire de droit.
« L'affaire du drapeau » est un des éléments à l'origine de cette dernière crise. Reprenant une suggestion de notre collègue Pierre Frogier, le congrès a adopté, le 13 juillet 2010, le voeu d'associer le drapeau tricolore au drapeau du FLNKS, présenté comme le drapeau de la Kanaky, c'est-à-dire de l'État indépendant qu'ils souhaitent voir mettre en place. Le gouvernement a chuté en février dernier sur l'accusation de ne pas soutenir une décision collégiale. Depuis, il a été impossible de mettre en place un nouvel exécutif.
En effet, en application du statut de 1999, le congrès doit déterminer le nombre de membres du gouvernement, avant de les élire par un scrutin de liste à la proportionnelle. Depuis février 2010, le congrès a élu quatre gouvernements successifs : les trois premiers n'ont jamais pu être installés car, dès l'élection des membres du gouvernement, l'ensemble des membres d'une liste présentée par un groupe d'élus au congrès présentait systématiquement sa démission. En application des dispositions actuelles de l'article 121 de la loi organique, si un membre du gouvernement cessant ses fonctions ne peut être remplacé par un suivant de liste, le gouvernement est démissionnaire de plein droit, afin qu'une nouvelle élection permette de rétablir les équilibres politiques initiaux.
L'utilisation systématique de ces dispositions constitue un détournement de procédure : comme le révèlent les travaux parlementaires sur la loi organique de 1999, et notamment le rapport de notre collègue René Dosière, elles n'ont jamais été conçues comme un moyen pour un groupe minoritaire de faire chuter un gouvernement.
Ce projet de loi organique réécrit donc l'article 121 de la loi organique du 19 mars 1999 afin de maintenir la possibilité pour un groupe politique de démissionner du gouvernement, tout en empêchant que des démissions collectives répétées ne fassent obstacle à l'exercice par l'exécutif de ses prérogatives.
Si les membres d'une liste démissionnent collectivement et provoquent ainsi la démission de plein droit du gouvernement, ce dispositif ne peut plus être mis en oeuvre pendant un délai de dix-huit mois. Si les membres démissionnaires d'une liste de candidats ne peuvent pas être remplacés, le gouvernement pourra continuer de fonctionner en leur absence, dans un effectif inférieur à celui prévu par le congrès et sans représentants du groupe ayant provoqué la démission, en étant réputé être au complet.
Afin de préserver la participation des différentes forces politiques calédoniennes au gouvernement, l'article 1er permet aux groupes démissionnaires qui auraient choisi de perdre leur représentation au sein de l'exécutif de la rétablir, malgré l'absence d'élection d'un nouveau gouvernement pendant dix-huit mois. Il leur suffira de déposer à tout moment une nouvelle liste de candidats. Ainsi seront respectés les principes à valeur constitutionnelle de collégialité et de proportionnalité du gouvernement, issus de l'accord de Nouméa du 5 mai 1998, ainsi que le principe de stabilité de l'exécutif.
À l'issue du mandat en cours des membres des assemblées provinciales et du congrès, après les prochaines élections provinciales prévues en mai 2014, commencera la dernière phase prévue par l'accord de Nouméa.
Ce n'est donc pas à une réforme d'ensemble, mes chers collègues, mais à un simple ajustement que votre Commission vous propose de procéder. C'est pourquoi je vous demande d'approuver sans modification le présent projet de loi organique, pour garantir la stabilité du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sans remettre en cause de délicats équilibres politiques.