Dès le stade de la procédure d'appel d'offres, le contrat de la ligne Sud-Europe-Atlantique Tours-Bordeaux est une réussite : nous inventons un nouveau modèle de financement pour ce type d'infrastructures – ce qui n'est pas sans créer quelques crispations de la part de nouvelles collectivités territoriales, les anciennes lignes ayant été financées sans faire appel aux moyens des collectivités, pourtant fortement bénéficiaires des dessertes. Les concours publics représentent 40 % des financements, soit 10 % de moins que prévu – ce qui correspond à notre objectif initial –, le consortium privé apportant 3,8 milliards. Je précise à ce propos, pour rectifier certaines interprétations erronées, que tous les risques liés à la réalisation de la nouvelle infrastructure, en termes de coûts, de délais et de prévisions de trafic, sont bien portés par le concessionnaire. La subvention versée par l'État et les collectivités territoriales est destinée à compenser l'écart entre le coût d'investissement et les recettes de péage, ce qui ne se traduit donc pas par un enrichissement indu de la société. Les profits qui peuvent être réalisés par l'entreprise privée justifient la clause de retour à bonne fortune, traditionnelle dans les montages de ce type.
Il importe aussi, pour éviter toute ambiguïté, de préciser que la garantie de l'État a été accordée, au moment de la crise financière, en raison du taux des instruments financiers disponibles alors sur le marché. Cette garantie, qui porte sur une partie de la dette du concessionnaire d'un montant d'un milliard d'euros, concerne donc un risque conjoncturel, et non pas, par exemple, le risque lié au trafic. Il ne s'agit donc pas d'un avantage accordé par l'État au secteur privé.
Quant aux collectivités territoriales, toutes n'ont pas eu la même attitude. Si la plupart se sont finalement engagées, en demandant généralement des garanties de desserte et de maintien de lignes locales, certaines font défaut : il s'agit de quelques petites collectivités et d'une grosse – la région Poitou-Charentes, dont la participation aurait dû être d'un peu plus de 90 millions d'euros. L'État devra compenser la défaillance de ce « passager clandestin » et en tirera des conséquences quant aux investissements qu'il pourra être amené à faire ultérieurement dans cette région, car la participation des collectivités ne procède aucunement du fait accompli et avait été clairement convenue à l'avance.
J'apprécie que l'on reconnaisse la visibilité enfin donnée dans le cadre du SNIT à la régénération et aux investissements dans l'existant. L'investissement dans ce domaine a néanmoins un effet paradoxal sur le réseau, les travaux se traduisant dans l'immédiat par des retards pénalisant les usagers sur certaines liaisons. Ces désagréments, qui dureront plusieurs années, seront particulièrement sensibles à partir de la fin de 2011, du fait de la modification du service annuel 2012, avec le passage au cadencement lié à l'entrée en service de la LGV Rhin-Rhône, et de l'ajustement de certains horaires, lié aux nombreux travaux actuellement engagés.
Je travaille actuellement sur la nouvelle version du SNIT, dans laquelle j'envisage de porter de 25 à 50 milliards d'euros par an le montant consacré à la régénération dans le fer. De fait, la montée en puissance engagée est encore insuffisante et l'investissement d'un milliard d'euros sur les voies doit s'accompagner d'un investissement du même montant sur les superstructures. Ces chiffres sont cependant indicatifs car il est difficile d'anticiper sur 20 ou 30 ans les besoins de régénération du système ferroviaire.
Il existe bien un décalage entre les ambitions du SNIT et les capacités de financement de l'État dans les prochaines années. Le SNIT n'est cependant pas une loi de programmation, mais un projet exprimant ce que souhaite l'État, en concertation avec les collectivités territoriales et dans la perspective définie par le Grenelle de l'environnement. Sans doute serait-il opportun d'y définir des priorités car il se borne aujourd'hui à distinguer deux périodes – avant et après 2020 –, mais ces priorités doivent tenir compte de la mobilisation des collectivités. Ainsi, je gage que, si la forte mobilisation des élus se maintient pour soutenir le projet de ligne qui doit doubler celle de Lyon en passant par le Massif Central, inscrit pour la période postérieure à 2020, cette ligne sera la première à être réalisée. Au moment où l'État fait appel au financement des collectivités territoriales, la hiérarchisation des priorités ne peut pas relever d'une décision solitaire, mais elle doit être partagée avec les acteurs locaux. Je suggère donc de proposer à l'AFITF et à son nouveau président de travailler, pour l'État, sur une programmation sur cinq ans et de demander aux collectivités territoriales de prendre position face à cette programmation.
Pour ce qui est de l'exécution budgétaire, j'ai sollicité un arbitrage sur le transfert du compte d'affectation spéciale (CAS) radars. En effet, tant que la gestion de ce compte relevait de mon ministère, son solde finançait les projets de l'AFITF et permettait notamment de compenser le défaut de la taxe poids lourds. La gestion en ayant été transférée au ministère de l'Intérieur, j'ai demandé que le ministère de l'Écologie et des transports puisse néanmoins disposer d'un financement correspondant à celui dont il disposait précédemment. L'arbitrage n'a pas encore été rendu, mais il est en tout cas certain que le montant ne suffira pas à compenser le défaut de la taxe poids lourds, dont le montant prévu était de l'ordre de 900 millions d'euros par an, avec un retard de moitié en 2012. Il a donc été décidé de doter le programme d'un supplément de 160 millions d'euros. Nous nous efforçons par ailleurs d'obtenir une mise en oeuvre aussi rapide que possible de cette taxe et attendons prochainement la réponse du pourvoi en cassation déposé par l'État contre la décision du tribunal administratif. Le fait que le rapporteur public ait proposé l'annulation de l'ordonnance du tribunal administratif de Cergy et le rejet du référé nous laisse espérer une issue favorable, qui se traduirait par un retard de six mois seulement par rapport au calendrier initial, alors qu'une annulation de la mesure nous contraindrait à relancer toute la procédure, ce qui serait beaucoup plus long. Nous devrions être fixés très vite.