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Intervention de Sébastien Huyghe

Réunion du 21 juin 2011 à 22h00
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat après engagement de la procédure accélérée

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Huyghe, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Troisième volet : l'amélioration de l'exécution des peines. Le Sénat a adopté trois nouveaux articles, 9 bis à 9 quater, visant à améliorer l'exécution des peines. Les modifications apportées par ces articles sont très pertinentes et contribueront à une meilleure exécution des décisions de justice pénale, amélioration à laquelle l'ensemble de nos concitoyens et chacun d'entre nous est éminemment attaché.

Parmi ces dispositions, l'article 9 bis soulevait toutefois une difficulté quant à son application pratique. Il prévoyait en effet que tous les condamnés à une peine supérieure ou égale à dix ans d'emprisonnement et pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru ne pouvaient bénéficier d'une libération conditionnelle qu'après une évaluation de leur dangerosité et après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté. Si le développement des évaluations pluridisciplinaires préalablement à une libération conditionnelle est évidemment souhaitable et nécessaire, son extension au niveau de peine retenu par le Sénat aurait risqué d'entraîner un engorgement des structures actuelles et à venir : alors que le Centre national d'évaluation de Fresnes a évalué environ cinquante détenus par an préalablement à l'octroi d'une libération conditionnelle au cours des trois dernières années, le texte adopté par le Sénat aurait soumis à l'obligation d'une évaluation par le CNE 1 200 détenus effectuant une demande de libération conditionnelle ! Certes, l'ouverture d'un deuxième CNE est prévue pour la fin de l'année 2011 à Réau, mais cela n'aurait pas été suffisant pour absorber ce surcroît d'évaluations à réaliser si nous souhaitons que ces évaluations demeurent réelles et sérieuses. C'est pourquoi notre commission a limité le caractère obligatoire de ces évaluations avant l'octroi d'une libération conditionnelle aux personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité ou à une peine supérieure ou égale à quinze ans pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru, ainsi qu'à celles condamnées à une peine d'une durée supérieure à dix ans pour une infraction pour laquelle le placement en rétention de sûreté serait possible. Je précise que ce relèvement du seuil de l'évaluation obligatoire par rapport au texte du Sénat n'exclut pas la possibilité pour l'autorité judiciaire d'ordonner une telle évaluation, qui sera toujours possible, même pour des condamnés à des peines inférieures ; l'article 712-16-1 du code de procédure pénale le prévoit sans ambiguïté.

Quatrième volet : la justice des mineurs. Notre commission a adopté deux modifications principales au texte adopté par le Sénat – lequel va, je le répète, dans le bon sens.

Il s'agit tout d'abord de l'article 14, qui crée le dossier unique de personnalité. Cet article prévoit que ce dossier comprendra non seulement les informations issues de procédures pénales concernant le mineur, mais aussi des informations issues de procédures d'assistance éducative. Mais ces informations sont susceptibles de contenir des secrets de famille dont la révélation à des tiers – y compris la partie civile – pourrait porter atteinte au droit au respect de la vie privée de la famille du mineur poursuivi. C'est pour mieux protéger ces secrets de famille que notre commission a adopté des amendements permettant de trouver un meilleur équilibre entre la recherche de la meilleure connaissance de la personnalité du mineur et la protection de la vie privée.

En second lieu, le texte adopté par le Sénat a prévu, pour le recours aux procédures dites « rapides » que sont la présentation immédiate – procédure déjà existante – et la nouvelle convocation par officier de police judiciaire – la COPJ – devant le tribunal pour enfants, de nouvelles conditions de connaissance de la personnalité du mineur. Mais le texte adopté par le Sénat exigeait systématiquement une enquête de personnalité complète sur le mineur, ordonnée par le juge des enfants, et excluait toute prise en compte du recueil de renseignements socio-éducatifs – le RRSE –, une enquête sociale rapide, mais néanmoins précise, établie par les éducateurs de la PJJ lors du défèrement d'un mineur au tribunal. Notre commission a quelque peu assoupli le dispositif en permettant qu'une procédure rapide soit engagée lorsque seul un RRSE est disponible et quand c'est en raison de l'absence du mineur aux mesures d'investigations ordonnées par le juge que lesdites investigations n'ont pu être réalisées.

Cinquième et dernier volet : les droits des victimes.

Notre commission a adopté plusieurs nouveaux articles relatifs aux droits des victimes. Certaines de ces modifications sont tout à fait opportunes et méritent d'être pleinement approuvées : ainsi des nouveaux articles 9 quinquies et 9 sexies, issus d'amendements de M. Marc Le Fur, qui améliorent le droit de la victime ou de la partie civile à l'information préalablement à la fin de l'incarcération du condamné et à la fin d'un sursis avec mise à l'épreuve lorsque celui-ci comprenait l'interdiction pour le condamné de rencontrer la victime.

En revanche, le nouvel article 1er quater, également adopté à l'initiative de M. Le Fur, mais contre mon avis de rapporteur et l'avis du Gouvernement, ne me paraît pas pouvoir être approuvé. Cet article reconnaît à la partie civile le droit d'interjeter appel ou de se pourvoir en cassation contre les décisions d'acquittement rendues en matière criminelle – droit qui n'existe pas aujourd'hui, la partie civile ne pouvant interjeter appel que de ses intérêts civils.

Deux raisons me conduiront à vous demander de ne pas voter cet article.

Premièrement, une telle disposition ne me paraît pas avoir sa place dans un projet de loi relatif à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et au jugement des mineurs, dont l'objet premier n'est pas de redéfinir les prérogatives respectives des différentes parties à l'instance pénale. Le risque que cette disposition fasse l'objet d'une censure en raison de l'absence de lien avec le texte en discussion ne saurait être négligé.

Secondement, il me paraît nécessaire d'attirer fortement l'attention sur les implications que l'introduction d'un droit d'appel de la partie civile contre une décision d'acquittement aurait sur la nature même de notre procédure pénale.

Avec une telle disposition, le risque que la partie civile ne devienne un second accusateur, placé quasiment sur le même plan que le ministère public, serait réel. Cela ne reviendrait-il pas alors à faire de la procédure pénale l'instrument d'une justice privée, dont le développement des règles de vie en société nous a progressivement éloignés ?

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