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Intervention de Michel Mercier

Réunion du 21 juin 2011 à 22h00
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat après engagement de la procédure accélérée

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Les magistrats remplissent leur office, comme la loi le leur demande. Cette réforme permettra aux citoyens de mieux mesurer la difficulté de l'acte de juger et l'engagement des magistrats dans l'application de la loi.

Le premier grand volet du texte vise à faire participer les citoyens au fonctionnement de la justice pénale, conformément à l'engagement pris par le Président de la République dans son programme de campagne de 2007. Ce sera là un acte civique fort, un engagement au service de la collectivité.

Les citoyens assesseurs seront ainsi associés, dès la première instance, au jugement des délits les plus graves et au suivi de l'application des peines.

Désormais, les citoyens interviendront à tous les stades de la procédure au fond, qu'il s'agisse des délits ou des crimes, en première instance ou en appel, lors du jugement ou au stade de l'application des peines.

Comme le souhaitait le Gouvernement, les citoyens participeront au jugement des délits les plus graves portant atteinte à la sécurité et à la tranquillité des personnes.

Le Sénat a élargi le périmètre initial. Vous avez souhaité, monsieur le rapporteur, exclure de ce champ les atteintes à l'environnement, que le Sénat avait intégrées au texte. La participation des citoyens serait donc recentrée sur le jugement des seules atteintes aux personnes.

En revanche, n'entreront pas dans le champ de compétence les affaires relevant du juge unique ou les affaires qui, en raison de leur complexité et de leur technicité, comme le terrorisme ou la délinquance organisée, sont confiées à des juridictions spécialisées.

Pour le suivi de l'application des peines, les citoyens assesseurs siégeront aux côtés des magistrats du tribunal d'application des peines et des chambres d'application des peines en matière de libération conditionnelle ou de relèvement de la période de sûreté, dès lors que la peine est supérieure à cinq ans d'emprisonnement. Ils participeront donc aux décisions qui modifient ou aménagent des peines qui, à 80 %, ont été prononcées aux assises.

Les formations de jugement seront composées de trois magistrats et deux citoyens assesseurs, conformément aux exigences posées par le Conseil constitutionnel qui impose une majorité de magistrats professionnels. Toutefois, il s'agira d'une formation collégiale où citoyens assesseurs et magistrats auront le même poids lors du délibéré.

S'agissant de la désignation des citoyens assesseurs, nous avons fait le choix de nous inspirer du système de tirage au sort en vigueur pour les cours d'assises. Ces citoyens assesseurs ne seront pas des jurés, ils ne pourront donc pas être récusés. Nous avons considéré qu'il était nécessaire d'avoir des garanties renforcées quant à leur honorabilité et à leur probité. Je me félicite donc que vous ayez rétabli ces conditions, monsieur le rapporteur, et que vous ayez précisé que les personnes qui ont été condamnées ne peuvent être citoyens assesseurs.

En outre, les citoyens retenus ne pourront se soustraire à leur devoir civique sous peine d'amende. Mais leur participation sera de courte durée – votre commission l'a fixée à 10 jours dans l'année – et elle sera naturellement indemnisée.

J'entends bien les interrogations pratiques sur l'impact de la réforme, en particulier sur le fonctionnement des tribunaux correctionnels. C'est pourquoi, conformément aux engagements que j'ai pris, cette réforme sera accompagnée de moyens nouveaux. 263 postes supplémentaires de magistrats et greffiers permettront de mettre en oeuvre la réforme dans les meilleures conditions d'organisation. Sa mise en oeuvre progressive de janvier 2012 à janvier 2014 nous permettra aussi des ajustements en termes de moyens et d'organisation.

Environ 40 000 affaires relèveront de ces nouvelles formations correctionnelles, sur un total de 580 000 affaires correctionnelles jugées chaque année.

Le deuxième grand volet du projet s'attache à limiter la correctionnalisation des crimes, dont nous estimons tous qu'elle pose de réelles difficultés. Sans que les chiffres soient complètement exacts, on peut évaluer à 70 %, voire plus, les crimes qui ne sont pas jugés comme tels. C'est pour lutter contre ce phénomène que nous avons inscrit dans le projet de loi une réforme des assises.

Alors que le Parlement a décidé que certains faits constituaient des crimes, on observe dans la réalité qu'ils sont très largement jugés comme des délits. Une réflexion d'ensemble sur l'échelle des peines pourrait être envisagée. En attendant, il est de notre responsabilité de faire juger les infractions selon les qualifications et les régimes qui ont été définis par le législateur.

Cela est d'autant plus nécessaire que la situation actuelle conduit à une rupture d'égalité, car les faits criminels ne sont pas correctionnalisés sur l'ensemble du territoire. Certains faits sont jugés comme des crimes dans certains départements, et comme des délits dans d'autres.

Le Gouvernement avait proposé la solution d'une cour d'assises simplifiée qui n'a pas été retenue par le Sénat. La voie choisie par ce dernier consistait à réduire le nombre de jurés aux assises de neuf à six en première instance et de douze à neuf en appel. D'après nos estimations, cette solution permettait une augmentation conséquente du nombre d'affaires jugées chaque année.

Votre rapporteur est revenu sur le choix du Sénat pour proposer de constituer des cours d'assises spéciales, optionnelles, pour les crimes passibles de quinze à vingt ans de prison, hors les cas de récidive ou d'opposition de l'accusé ou du parquet. Elles seraient composées de trois magistrats professionnels et trois jurés.

Ce dispositif, en prévoyant des formations avec trois jurés, permettrait de dégager du temps d'audience et de réduire la détention après renvoi. Bien évidemment, le Gouvernement partage cet objectif du rapporteur.

Mais je crains pourtant, comme je l'ai indiqué en commission, qu'il ne présente un risque constitutionnel fort. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

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