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Intervention de élizabeth Picard

Réunion du 25 mai 2011 à 9h45
Commission des affaires étrangères

élizabeth Picard :

Il me paraît indispensable, pour appréhender la situation en Syrie et dans la région, de ne plus se laisser obnubiler par la question confessionnelle, comme nous l'avons fait trop longtemps. Pour analyser le régime syrien et sa très solide coalition, il ne suffit pas de dire qu'il s'agit d'alaouites. L'explication est réductrice car au sein de cette communauté la diversité des situations est très grande, qu'il s'agisse de la richesse des individus ou de la possibilité d'accession au pouvoir. Le pouvoir est aux mains d'un clan, d'un cartel qui s'est constitué avec des alliés – au nombre desquels des sunnites et des chrétiens – et où la détention du pouvoir militaire donne la garantie du monopole du pouvoir économique. Voilà pourquoi le président Bachar Al-Assad est solidaire de sa famille maternelle et aussi de sa belle-famille, riches entrepreneurs sunnites de Homs. Ainsi s'est constitué le noyau dur qui aurait tout à perdre du changement et qui risque de donner la main aux plus exigeants des militaires.

Au nom de la laïcité du parti Baas, une place très proche du régime a été faite aux chrétiens, et aussi bien Hafez Al-Assad que son fils ont toujours eu l'habilité de se poser en protecteurs des églises chrétiennes et des chrétiens, dont ils ont favorisé l'accès au pouvoir économique. Mais il s'agit pour beaucoup de manipulation, le discours tenu aux chrétiens étant à peu près de cet ordre : « Sans nous votre perte est certaine et vous devrez quitter la Syrie comme ont dû s'exiler les chrétiens d'Irak ». Or, les situations diffèrent. En Syrie, les relations entre musulmans et chrétiens sont pacifiques depuis des années et les échanges socio-économiques nombreux ; l'amenuisement qui menace les communautés chrétiennes syriennes tient à la démographie et au problème général de l'attraction de l'Occident. La proximité linguistique et culturelle nous amène à grossir à la fois notre proximité avec les chrétiens de Syrie et la dangerosité de leur situation et, à l'inverse, à diaboliser tous les sunnites syriens. Or, les sunnites, qui représentent 75 % de la population syrienne, ne sont pas tous des salafistes djihadistes armés jusqu'aux dents décidés à renverser le pouvoir par vengeance ; pour une large majorité, ce sont de paisibles quiétistes qui étaient disposés à profiter de l'ouverture économique et qui étaient très tentés par le modèle turc. La Turquie a d'ailleurs beaucoup développé les échanges avec les commerçants et les entrepreneurs syriens, à Alep en particulier.

Bien sûr, le plus structuré des partis politiques de l'étranger est celui des Frères musulmans, mais ils ont beaucoup évolué depuis trente ans, et une situation intérieure plus ouverte pourrait les amener à penser en termes de pluralisme politique.

Si la situation à l'Est de la Syrie est aussi étrangement paisible, c'est en raison de la tactique d'ouverture du régime, qui avait enfin offert aux Kurdes la nationalité syrienne qui leur était déniée depuis les années 1960, et aussi parce que la Turquie, qui s'inquiète de la forte présence dans ces provinces du parti qui a succédé au PKK, mène en sous-main des négociations actives. Ce que souhaite par-dessus tout la Turquie, c'est la stabilité régionale, et qu'aucun problème ne se pose à ses frontières.

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