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Intervention de Jean-Marc Fenet

Réunion du 8 juin 2011 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Jean-Marc Fenet, directeur chargé de la fiscalité à la direction générale des finances publiques du ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état :

Nous n'avons aucune idée du volume des avoirs non déclarés à l'étranger. Par définition, l'évaluation de la fraude fiscale est un exercice compliqué. C'est déjà vrai à l'intérieur du territoire français – même si le Conseil des prélèvements obligatoires s'y est essayé il y a quelque temps –, et ça l'est encore plus pour ce qui concerne l'évasion fiscale vers l'étranger. Certains pays voisins l'ont toutefois tenté : l'Allemagne évalue à une centaine de milliards d'euros la quantité d'avoirs allemands présents sur le territoire suisse. Mais la rigueur scientifique de telles démarches me paraît sujette à caution. Notre action, dans les prochaines années, nous permettra peut-être, par extrapolation, d'avoir une idée du montant de la fraude, mais pour l'instant, il m'est très difficile de répondre à cette question.

S'agissant du dispositif de régularisation que nous avons mis en place, je souhaite tout d'abord être très clair sur le choix du vocabulaire. Je le fais d'ailleurs en présence du ministre de l'époque, Éric Woerth, qui est à l'origine du dispositif. Sa consigne était justement de ne pas mettre en place une amnistie fiscale, contrairement à ce qu'ont fait certains pays voisins, comme l'Italie, au cours de la même période.

Rappelons qu'il n'est pas illégal de détenir des avoirs situés à l'étranger. Il est seulement obligatoire de les déclarer et de les intégrer dans l'assiette de l'impôt sur le revenu et sur le patrimoine. Une amnistie fiscale consiste donc à proposer aux détenteurs d'avoirs non déclarés une sorte de paiement pour solde de tout compte : à condition de rapatrier les fonds et de verser un impôt forfaitaire, on est libéré du paiement des droits, des pénalités et des intérêts de retard. Cette pratique, les autorités politiques et l'administration fiscale françaises l'ont refusée, préférant la constitution d'une cellule de régularisation.

Celle-ci a été fermée le 31 décembre 2009. C'était du moins la date limite à laquelle les contribuables pouvaient prendre contact avec nous, le cas échéant de façon anonyme, afin de mesurer les conséquences fiscales d'une déclaration de leurs avoirs. Ceux qui s'étaient signalés dans les délais avaient ensuite jusqu'au 15 mai 2010 pour procéder à la « désoccultation » elle-même.

Nous disposons donc depuis cette date d'un bilan complet, et public, de la cellule de régularisation. Environ 4 800 personnes se sont présentées à nos services. Les avoirs en cause, dont l'immense majorité a été rapatriée sur le sol français, s'élèvent à environ 7 milliards d'euros, tandis que le montant total des droits fiscaux rappelés à cette occasion atteint, sur plusieurs exercices, la somme de 1,2 milliard d'euros. Le rendement financier de cette opération est donc très important.

Tous les droits étaient dus sur toute la période non prescrite – trois ans pour l'impôt sur le revenu, six ans pour l'ISF. S'agissant des pénalités et des intérêts de retard, nous avons distingué entre les fraudeurs passifs – les plus nombreux – et les fraudeurs actifs. Les premiers sont ceux qui détenaient, en Suisse, au Liechtenstein ou ailleurs, des comptes peu utilisés et qui se transmettaient parfois de génération en génération. Ils ont saisi une occasion de se mettre en règle et, parfois, de résoudre des problèmes de succession. Nous avons accordé à ces personnes un taux plus favorable en matière de pénalité et un plafonnement des intérêts de retard.

Quant aux fraudeurs que nous avons qualifiés d'actifs, ce sont ceux qui ont alimenté régulièrement, notamment avec de l'argent non déclaré d'origine française, les comptes qu'ils détenaient à l'étranger. Pour eux, le niveau des pénalités et le plafond des intérêts de retard étaient plus élevés.

Nous continuons par ailleurs à traiter un flot de dossiers de régularisation, auxquels nous appliquons des conditions moins favorables depuis que la cellule a cessé son activité.

M. Myard s'est interrogé sur nos sources d'information et sur la façon dont nous posons nos questions. La procédure standard établie par l'OCDE nous oblige à être précis. Nous ne pouvons interroger les pays avec lesquels nous avons passé des conventions sur l'échange de renseignements que si nous connaissons le nom des personnes concernées, et si nous pouvons démontrer la « pertinence » – selon le terme employé par l'OCDE – des informations demandées. Nous avons donc eu besoin, en interne, de constituer une base de données comprenant les noms des personnes à propos desquelles il serait pertinent de poser des questions. Cette base, c'est le fichier Evafisc, alimenté grâce à la communication, par les établissements bancaires, d'éléments sur des transactions supérieures à un certain montant et effectuées vers des États connus pour abriter des fonds dissimulés. L'exploitation de ces renseignements, après recoupements, nous permet d'identifier les comptes suspects. Le fichier peut également être alimenté par des informations sur des échanges par carte bancaire, ou concernant la présence de personnes dans certaines structures écrans.

Nous comptons aussi sur la coopération internationale, même si elle est parfois lente et difficile. La lutte contre les paradis fiscaux a été relancée à la suite de la transmission, par des administrations fiscales étrangères, d'un fichier provenant du Liechtenstein et contenant les noms de 200 Français. En retour, nous avons nous-mêmes transmis des informations à des administrations homologues. L'assistance internationale fonctionne aussi en matière fiscale.

En résumé, nous lançons des lignes, en évitant de le faire à l'aveugle, mais les textes nous interdisent de lancer des filets.

J'en viens à la question de M. Garrigue sur l'examen par les pairs au niveau de l'OCDE. Le groupe des pairs se réunit en ce moment aux Bermudes pour étudier la situation d'une série de pays, dont la France – qui a passé l'examen sans difficulté – et les États-Unis.

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