Monsieur le président, je débuterai mon intervention par le cas de la géothermie. Il s'agit d'un sujet complexe, qui échappe bien évidemment au coeur de notre mission. Nous étions néanmoins quasiment forcés de nous pencher sur le sujet, dès lors que la fracturation hydraulique peut être utilisée pour certaines opérations. Je pense notamment au projet de Soulz-sur-Forêts, en Alsace. Il s'agit, je le rappelle, d'un projet financé par l'Union européenne, l'État et les collectivités locales. Il semble donc avoir fait l'objet d'un large consensus parmi les élus et les responsables politiques. Or, la mise en oeuvre de la géothermie sur le site suppose de recourir à la fracturation hydraulique. Jusqu'à présent, les essais pratiqués ont été source de difficultés, notamment après le constat de mouvements sismiques. Je me permets donc, en réponse à Francis Saint-Léger, d'exprimer certains doutes quant à la justification de l'interdiction d'une technique dans certains cas – l'exploitation d'hydrocarbures – et son autorisation pour d'autres. Ma position est minoritaire au sein de l'Assemblée nationale, je le reconnais.
Comme vous le savez, l'un des grands principes du droit français est le caractère non-discriminatoire d'une disposition. Le texte voté il y a quelques semaines présente, à mon sens, quelques fragilités juridiques que le Conseil constitutionnel sera peut-être à même de soulever s'il est saisi. Il serait dommageable, à mes yeux, de voir le juge constitutionnel déclarer l'inconstitutionnalité de la loi relative à l'interdiction de la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures. Rien ne serait pire car les permis seraient pleinement restaurés dans leurs droits et l'objectif initial totalement manqué !
Notre rapport invite donc à examiner les dangers de la fracturation hydraulique pour toutes les activités où elle est mise en oeuvre.
Je souhaite à présent évoquer la thématique de la recherche, dont a notamment parlé André Chassaigne. La connaissance géologique de notre sous-sol profond est des plus mauvaises, voire quasi inexistante. Ceci s'explique par l'histoire : les travaux de recherches ont en effet eu pour objet les nappes phréatiques et les ressources minières. Seuls les pétroliers disposent d'un certain savoir-faire sur l'exploration des profondeurs. Aussi, notre connaissance est circonscrite aux territoires explorés par les groupes pétroliers : Bassin parisien et vallée du Rhône notamment. Ailleurs, nous ignorons la nature géologique des sous-sols, ou du moins nous n'en avons qu'une connaissance partielle. C'est particulièrement vrai dans certaines régions où des permis ont pourtant été délivrés. Nous avons souhaité distinguer dans le rapport les zones connues de celles sur lesquelles nous ne savons pratiquement rien. André Vézinhet nous a interpellés sur ce sujet et, comme lui, nombre de nos interlocuteurs nous ont mis en garde quant à la complexité des aquifères profonds. D'après nous, il est donc nécessaire de n'entamer aucune activité dans ces régions avant de disposer d'une connaissance exacte des sous-sols. Nous ne souhaitons pas que des permis soient délivrés dans ces zones.
André Chassaigne notait que nous évoquions trop brièvement dans le rapport l'exigence d'un programme de recherches. La raison en est simple : nous n'étions pas totalement d'accord. Philippe Martin, il me corrigera, m'a dit : « si je suis contre l'exploitation des hydrocarbures de schiste, je ne peux pas me prononcer en faveur d'un programme de recherches ». En fait, un tel programme devrait comprendre deux aspects. D'abord, l'amélioration de la connaissance de notre sous-sol. Le BRGM ou IFP-Énergies Nouvelles seraient prêts à se pencher sur le sujet, mais il reste à trouver le financement ! Ensuite, il me semble pertinent qu'ils abordent les procédures industrielles. Yanick Paternotte a d'ailleurs évoqué le sujet. La France pourrait, à mon sens, être à l'origine d'avancées technologiques en la matière.
Plusieurs de nos collègues nous ont également interrogés sur la mise en place d'un pilotage de la filière. Lors de la discussion de la proposition de loi de Christian Jacob, certains amendements allant dans ce sens n'ont pas été adoptés. Nous n'avons donc pas voulu proposer un dispositif déjà rejeté, par respect pour la décision de la représentation nationale. Néanmoins, à titre personnel, je me permets de suggérer de confier à l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) une mission de suivi des techniques employées et des programmes mis en oeuvre dans le monde. Je pense que l'OPECST pourrait également piloter le travail de modernisation de notre droit de l'environnement et de notre droit minier. D'après moi, l'Assemblée nationale devrait opérer ce suivi de manière régulière au cours des prochaines années.
En réponse à Albert Facon sur l'exploitation du gaz de mine, je serai très clair : nous avons auditionné les dirigeants de Gazonor. Son exploitation se situe hors du champ de la fracturation hydraulique. Tous les programmes doivent donc être poursuivis. Il s'agit même parfois d'un intérêt national en termes de sécurité publique.
Yves Cochet a fait part des difficultés à distinguer les hydrocarbures conventionnels des hydrocarbures non conventionnels. Une imprécision existe, c'est vrai. Nous avons donc essayé d'aborder la question d'un point de vue différent. À nos yeux, la réforme du code minier pourrait être l'occasion de créer différentes catégories de permis selon le type d'hydrocarbure recherché : permis de gaz de schiste, permis de gaz de houille, permis d'huile de schiste, etc. Une telle évolution permettrait de clarifier les procédures et de les rendre plus transparentes, en accord d'ailleurs avec le souhait exprimé à l'instant par Jean-Paul Chanteguet.
Bertrand Pancher a évoqué les risques de conflit entre les différents projets : exploration et exploitation d'hydrocarbures contre géothermie, lieux de stockages de déchets nucléaires ou de CO2. Il faudra que le législateur demeure attentif afin d'arbitrer entre différents objectifs éventuellement concurrents.
Avant de conclure, je répondrai à Francis Saint-Léger sur le recours à la fracturation hydraulique dans le passé en France. Il y a eu quelques dizaines de cas, dont aucun n'a posé problème. Toutefois, il est important de préciser que ces opérations ont été réalisées dans des puits verticaux, dont deux très récemment en Seine-et-Marne d'ailleurs.
Enfin, en réponse à Jean-Paul Chanteguet, les dossiers d'instruction des permis sont très minces, mais les procédures sont longues.