Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Philippe Martin

Réunion du 8 juin 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Martin, co-rapporteur :

Tout au long de ce dossier, j'ai vu s'accumuler les doutes, les incertitudes, le manque de recul. Ceci ne signifie pas qu'il n'existe aucune réponse à apporter. Toutefois, tant les organismes publics rencontrés que nos diverses auditions ont renforcé ces doutes. Vous lirez dans la deuxième partie du rapport les impacts sur l'environnement de cette activité. Nous considérons ainsi qu'il faut préserver les parcs nationaux de toute exploitation, contrairement à ce qui peut être pratiqué en Amérique du Nord.

Je pense, ainsi, qu'il existe une grande différence de vue entre la vision qui prévaut de l'autre côté de l'Atlantique et la nôtre. Lorsque nous nous y sommes rendus, nous avons vu combien nos questionnements étonnaient les industriels : la logique des « pionniers » est d'extraire l'énergie du sous-sol pour subvenir aux besoins du pays. Quand je demandais quel était le risque de contamination des nappes phréatiques, on me répondait qu'on trouverait une solution pour régler le problème, le cas échéant. Et quand j'interrogeais sur la situation des générations futures, on me disait qu'elles géreraient leur héritage comme la génération actuelle doit gérer le sien. Je crois important de le répéter car cette mentalité diffère beaucoup de la nôtre, et l'environnement y occupe un rang bien moins prééminent.

L'exploitation suscite une circulation routière importante. Le site que nous avons visité est plutôt campagnard et peu densément peuplé. Le passage de camions imposants y était une nouveauté. Les élus locaux, dans l'assistance, savent combien nos populations sont attentives à l'impact d'une activité nouvelle sur le trafic routier.

En ce qui concerne les additifs, nous avançons vers la fin de la culture du secret. Beaucoup a été dit sur leur nombre – y compris des choses fausses. Aujourd'hui, on sait qu'une demi-douzaine d'adjuvants est utilisée. Dans l'hypothèse où la France s'engagerait dans une production des gaz et huile de schiste, la communication de la composition des fluides est une condition sine qua non. Une autorité indépendante devrait assurer le suivi de la question.

L'utilisation massive de l'eau constitue une difficulté. Quand les industriels répliquent qu'elle est moindre que pour les cultures agricoles, ce n'est pas satisfaisant. La sécheresse actuelle nous rappelle l'acuité de la concurrence des usages. Il semble possible d'utiliser l'eau qui provient du forage. Le rapport recommande, dans le cas où la France autoriserait cette activité, de limiter les fracturations à des périodes hivernales pendant lesquelles l'accès à la ressource semble plus aisé. Des pollutions restent possibles cependant : le 20 avril dernier, en Pennsylvanie, des milliers de litres d'eau usée ont été répandus dans l'environnement. Quant au sous-sol, il peut être menacé par des techniques agressives, notamment celles qui nécessitent une explosion souterraine en prélude à l'injection du fluide. Je rappelle que l'Angleterre a connu il y a quelques jours un séisme sur son site expérimental de fracturation. Les amplitudes minimes ne doivent pas nous faire négliger cet aspect intrusif de la technologie.

J'ajoute que d'autres méthodes sont envisagées, qui permettraient de ne pas utiliser de l'eau. On a parlé de gaz liquéfié ou encore d'arc électrique. Ces perspectives ne nous ont pas forcément rassurés.

La puissance publique a été excessivement inattentive. Le rapport évoque d'ailleurs une autorité étatique longtemps ignorante des enjeux, en manque de cohérence et de compétence, et qui méconnaît la parole des citoyens.

En attendant de répondre à vos questions et de vous livrer nos conclusions personnelles, je voudrais rappeler l'interrogation préalable qui a guidé nos travaux : la France a-t-elle raison de s'engager dans l'exploitation des gaz de schiste ? Pour ma part, je pense que non.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion