En l'absence de Jean-Luc Préel, je reprendrai ses propos.
Monsieur le ministre, merci d'avoir fait preuve de réactivité depuis le début de cette affaire et d'avoir créé un fonds d'indemnisation pour les victimes du Mediator. L'important est d'être rapide et de prendre en compte toutes les victimes, même avant septembre 2001. N'oublions pas qu'il s'agit d'un drame de santé publique, et les auditions de la mission, comme l'a indiqué Jean-Pierre Door, ont montré des dysfonctionnements majeurs dans la chaîne du médicament.
Nous devons dans un premier temps rétablir la confiance dans le médicament, qui n'est pas un produit comme un autre. C'est un produit qui doit soulager, guérir, prévenir tout risque de pathologie, mais il peut également avoir des effets secondaires et c'est pourquoi il faut toujours avoir à l'esprit qu'à côté du bénéfice apporté par le médicament il y a le risque qu'il engendre.
Dans notre pays, la chaîne du médicament est très encadrée et la sécurité sanitaire devrait être au rendez-vous. Les commissions d'autorisation de mise sur le marché, les experts, les commissions de transparence, la pharmacovigilance : tous les outils devraient permettre qu'un tel accident ne se produise pas mais les travaux de la mission ont clairement montré des dysfonctionnements. N'oublions pas qu'il y a des victimes, des décès, des complications sévères telles que des hypertensions artérielles pulmonaires et des valvulopathies. Il est donc logique et normal de demander à un collège d'experts nationaux de se prononcer sur l'imputabilité et la proposition d'indemnisation. Chacun comprend bien en effet qu'il y a deux problèmes majeurs.
Le premier, c'est l'imputabilité. Autant, dans le cadre de l'amiante, cette imputabilité est facile à démontrer pour des salariés présentant des pathologies immédiatement liées à l'amiante, autant, pour le Mediator, il n'est pas toujours simple, alors que ce médicament a pu être pris il y a vingt ou trente ans et qu'il n'y a plus trace d'ordonnances – on sait que la CNAM ne remonte qu'à deux ans et que les archives des pharmaciens ne sont pas toujours très anciennes –, de prouver que les complications sont bien liées à la prise du Mediator. Peut-on savoir exactement si une hypertension artérielle pulmonaire ou une fuite valvulaire se sont produites à la suite de la prise de Mediator ou si un autre médicament a induit ces effets secondaires ?
Le second problème, c'est celui de la responsabilité de Servier, qui ne fait aucun doute. Le texte la pose très clairement. Le rapport de l'IGAS indique que Servier a utilisé cette molécule dérivée des amphétamines, très proche de l'Isoméride, utilisée, par exemple en Italie, comme un coupe-faim. Rappelons que ce médicament a été retiré en Italie, en Espagne, mais non en France. Le laboratoire a souvent nié les complications et sans cesse reporté les études complémentaires.
Mais comment faire peser l'indemnisation sur le seul laboratoire Servier alors que la mission a clairement démontré un dysfonctionnement grave des agences : autorisation de mise sur le marché sans que les experts remarquent que la molécule est proche de l'Isoméride, relations des experts des commissions avec les laboratoires soulignées à plusieurs reprises, non-retrait du médicament après que le professeur Girard l'eut retiré des préparations officinales, retrait du médicament en Espagne et en Italie sans que l'agence française s'en émeuve, et pas moins de dix-sept signalements d'effets indésirables restés sans suite ? On ne peut dédouaner les agences, donc l'État, d'une part de responsabilité dans la mise sur le marché pendant trente ans d'un médicament inefficace ayant les effets néfastes que nous connaissons à présent.
C'est pourquoi notre collège Jean-Luc Préel milite en faveur d'une responsabilité qui pourrait être de l'ordre de 50 % entre les deux partenaires. Le ministre et le rapporteur indiquent qu'il reviendra au juge de définir la responsabilité de l'État. Le plus simple ne serait-il pas d'attendre que le juge ait défini la responsabilité de Servier ? Nous pourrions ensuite voir quelle est la répartition la plus adaptée.
Un mot sur la pénalité des 30 %. Le droit actuel des CRCI prévoit 15 %. Qu'est-ce qui justifie ce chiffre de 30 % pour le Mediator ? J'imagine, monsieur le ministre, que vous me répondrez précisément.
Enfin, s'il est important d'obliger le laboratoire à l'indemnisation, ne devrait-on pas prévoir une pénalité identique dans tous les cas traités par l'ONIAM ?