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Intervention de Jean-Charles Taugourdeau

Réunion du 7 juin 2011 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis :

Avec MM. Gérard Cherpion, rapporteur de la Commission des affaires sociales, et Bernard Perrut, je suis l'un des trois auteurs du texte. Ma contribution porte sur les articles 7 à 10 relatifs aux groupements d'employeurs. Elle vise à introduire dans le texte des dispositions de la proposition de loi dite « Poisson » qui, bien qu'adoptée par l'Assemblée nationale, est restée lettre morte.

La proposition de loi, qui s'inscrit dans le cadre du programme général de lutte contre le chômage et la précarité mené par le Gouvernement, comprend des mesures facilitant le travail, donc la croissance. Si l'on constate des signes de reprises encourageants, la situation reste préoccupante. Le chômage, qui touche 9,2 % de la population, frappe avant tout les jeunes, dont 50 % sont en contrats à durée indéterminée (CDI), alors que la moyenne nationale se situe à 80 %.

Afin d'oeuvrer au développement de l'alternance, l'article 1er de la proposition de loi revalorise le statut des apprentis en créant une carte d'étudiant des métiers. L'article 2 simplifie les procédures de recrutement des salariés en alternance. Il prévoit la mise en place d'un portail internet visant à mettre en relation alternants et employeurs potentiels. L'article 3 élargit les possibilités de recrutement en alternance en permettant qu'un apprenti soit embauché par deux employeurs saisonniers. L'article 4 autorise, sous certaines conditions, le renouvellement des contrats de professionnalisation. L'article 5 supprime le contrôle redondant des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). L'article 6 renforce les obligations d'embauche de salariés en alternance pour les grandes entreprises. Il relève de 3 % à 4 % le seuil obligatoire et remplace le système de pénalités actuel par un système progressif plus incitatif. Les articles 7 à 10 visent à développer les groupements d'employeurs. Les articles 11 et 12, qui concernent l'accompagnement des chômeurs, donnent une base légale aux contrats de sécurisation professionnelle, qui devraient se substituer aux contrats de transition professionnelle ou à la convention de reclassement personnalisé. Leur régime juridique sera précisé par l'État et les partenaires sociaux. L'article 13 renforce dans l'entreprise le dialogue sur le partage de la valeur ajoutée, en assurant l'information du comité d'entreprise sur la politique menée en matière de dividendes du travail.

L'article 6 sera déplacé à l'article 8 du projet de loi de finances rectificative (PLFR) et l'article 13 sera supprimé au profit des dispositions figurant dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS). M. Cherpion déposera des amendements en ce sens.

Le groupement d'employeurs, régime d'association régi par loi de 1901, permet de mutualiser les besoins variables de main-d'oeuvre en les couvrant par des emplois stables, ce qui déprécarise les personnels temporaires. Si, en 1985, il concernait exclusivement les petites entreprises de moins de dix salariés, ce seuil a été élevé à 100 salariés en 1987, à 300 en 1993 et, en 2000, à plus de 300 en cas de signature d'accord collectif. Autant d'assouplissements apportés par la droite comme par la gauche. Au terme de vingt-cinq années de solutions graduelles, nous avons suffisamment de recul pour affirmer que le dispositif n'engendre pas d'effets pervers. Il concerne environ 30 000 équivalents temps plein sur le territoire national, chiffre encore insuffisant à mes yeux.

Les articles de la proposition de loi s'appuient sur le diagnostic du rapport Chaudron de 2009. Selon ce rapport, les groupements d'employeurs sont largement consensuels. Il s'agirait d'une excellente formule peu utilisée, qu'il faudrait promouvoir, en incitant les acteurs à y recourir plus fréquemment et en levant certaines contraintes. Le texte y pourvoit. L'article 7 supprime l'interdiction d'adhérer à plus de deux groupements d'employeurs. L'article 8 assouplit l'obligation pour les entreprises de plus 300 salariés de signer un accord d'entreprise pour adhérer à un groupement. Par ailleurs, il ouvre le champ plus large au dialogue social. L'article 9 modifie la responsabilité solidaire automatique de tous les membres du groupement pour les dettes sociales, que les plus petites entreprises craignent particulièrement. Enfin, l'article 10 lève les restrictions liées au type d'activités auxquelles peuvent se livrer les salariés d'un groupement pour le compte d'une collectivité territoriale.

Le texte tient compte des objections qui s'étaient exprimées lors de l'examen de la proposition de loi Poisson. Les articles 7 et 8 tendent à amener plus de grandes entreprises à adhérer à des groupements. Celles-ci peuvent avoir des besoins intermittents, posséder plusieurs sites sur le territoire national et créer davantage de CDI en regroupant des emplois au lieu de faire appel à l'intérim. Les entreprises de plus de 300 salariés, dont les besoins sont divers, ont intérêt à adhérer à plusieurs groupements, comme le permet l'article 7. Chaque fois qu'on trouve différentes sources – entreprises importantes ou TPE, associations ou collectivités – pour créer des CDI grâce à un maillage intelligent, on déprécarise des salariés.

Certains se sont demandé si la simplification du régime des groupements d'employeurs n'amènerait pas les grands groupes à externaliser leur main-d'oeuvre pour échapper aux garanties collectives qui s'appliquent à leurs salariés. La crainte semble peu fondée, le but des groupements d'employeurs étant de créer non une agence d'intérim mais davantage de CDI. Néanmoins, pour lever toute ambiguïté, je déposerai un amendement garantissant l'égalité de traitement entre les salariés du groupement d'employeurs et ceux des entreprises à la disposition desquelles ils seront mis.

L'article 9 vise à lever les réticences des petites entreprises, qu'effraie le principe de la responsabilité solidaire énoncé à l'article 1200 du code civil, qui permet à un créancier d'exiger le paiement de la totalité d'une créance à n'importe lequel débiteur solidairement responsable de la dette. Je proposerai un amendement visant à récrire l'article 9 afin de poser plus clairement la responsabilité solidaire comme principe tout en prévoyant à titre dérogatoire la possibilité d'édicter des règles différentes visant à limiter la responsabilité de chaque entreprise à la part qu'elle occupe dans le groupement d'employeurs.

L'article 10 concerne les collectivités territoriales. S'il est logique que celles-ci ne puissent pas constituer majoritairement un groupement, il est absurde qu'elles ne puissent y faire appel que pour un nombre limité de tâches, essentiellement pour l'entretien des espaces verts, et au maximum pour un mi-temps pour chaque salarié. Afin de pourvoir à leurs autres besoins intermittents, elles continuent de recourir à des contrats à durée déterminée (CDD) très courts ou à des vacataires. Ne serait-il pas préférable de donner aux emplois saisonniers limités à l'été ou au printemps, que créent chaque année les conseils municipaux dans le tourisme ou l'entretien des espaces verts, le statut de salariés de groupement en CDI ?

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