Il subsiste chez nombre d'entre eux, en arrière-pensée peut-être, une réticence. Sommés par l'opinion publique d'agir, ils abusent d'un discours volontariste mais le soumettent à tant de conditions qu'ils préparent déjà les esprits à de nouveaux renoncements. Oui à une taxe mais à condition que tout le monde soit d'accord pour la mettre en oeuvre.
Il est ainsi prétendu que la mise en place au niveau national d'une taxe sur les transactions financières conduirait à une fuite de capitaux. C'est faux. À l'heure actuelle, sept États membres sur vingt-sept appliquent déjà une forme de taxe sur les transactions financières, ne serait-ce que la principale place financière européenne, le Royaume-Uni, qui, avec son droit de timbre, son fameux stamp duty, récolte quelque 3 milliards d'euros par an.
Cette taxe porterait atteinte aux marchés financiers, nous dit-on. Cela aussi est faux. Elle permettrait au contraire de décourager les activités hautement spéculatives et encouragerait celles basées sur le plus long terme, comme les investissements productifs.
La mise en place d'une taxe sur les transactions financières, on le dit aussi ici ou là, coûterait trop cher et serait trop compliquée à mettre en oeuvre. Mais cela aussi est faux. La plupart des transactions financières sont dématérialisées, elles se font de manière électronique, via des chambres de compensation centralisées. En outre, le projet de règlement européen EMIR contribuera prochainement à étendre cette procédure aux produits dérivés de gré à gré qui échappent à tout contrôle. Il suffirait donc d'ajouter une ligne au code de logiciels utilisés. C'est simple.
Aussi grandes que soient les compétences requises pour mettre en oeuvre une telle taxe, on ne peut se retrancher derrière sa technicité ou sa complexité pour renoncer, je le rappelle, à une ressource potentielle de 200 milliards d'euros. La taxe sur les transactions financières ne doit pas devenir le nouveau serpent de mer de la politique européenne et mondiale, toujours espérée mais jamais appliquée.
C'est pourquoi nous avons pris l'initiative, avec mon homologue, le président du groupe SPD au Budenstag Franck-Walter Steinmeier, de proposer cette résolution visant à demander la mise en oeuvre rapide d'une taxe sur les transactions financières.
Cette initiative ne s'inscrit pas dans un contexte et un paysage vierges. Dès 2000, la majorité de la gauche plurielle avait fait adopter le principe d'une taxe, que l'UMP avait à l'époque refusée. Depuis 2009, l'ensemble des socialistes européens s'efforcent de trouver les voies de la mise en oeuvre d'une telle taxe dans leur pays respectif.
Notre proposition de résolution commune SRC-SPD fait suite à l'engagement du président du parti socialiste européen, Poul Rassmussen, et des différents leaders socialistes européens d'introduire de manière concertée, en lien avec la Confédération européenne des syndicats et des grandes ONG européennes, une proposition de loi sur une taxe sur les transactions financières. C'est à une véritable mobilisation déterminée que nous assistons. Elle a abouti, cela a été rappelé, à un vote soutenant l'initiative dans plusieurs rapports adoptés au Parlement européen – ce sont des étapes qui se sont succédé.
Cette proposition de résolution, que Pierre-Alain Muet a rapportée, constitue donc un nouveau pas. Mais, à l'automne, si rien n'a avancé – c'est la demande qui est faite dans cette résolution notamment au Gouvernement – le Parlement devra prendre l'initiative, en rédigeant une proposition de loi visant à mettre en oeuvre une taxe sur les transactions financières au taux de 0,05 %. Il faudra passer à l'acte. Si cette résolution traduit, ce que j'espère, une volonté unanime lors du vote la semaine prochaine, il faudra s'en féliciter. Nous verrons ensuite s'il s'agissait simplement de bonnes intentions ou d'une vraie détermination. En tout cas, je souhaite que l'on sorte de cette impression d'absence de volonté, d'absence de capacité à peser sur le cours des choses. La profondeur de la crise, ses conséquences sociales et humaines exigent de la détermination mais également beaucoup de courage et d'audace. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)