Monsieur le président, madame la ministre de l'économie, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, l'intitulé du projet de loi « Modernisation de l'économie » pouvait nous laisser espérer une ambition et un grand débat sur l'évolution nécessaire de l'économie française au sein d'une Europe où la coordination économique doit être renforcée, mais aussi au coeur d'une mondialisation qui inquiète, qui suscite des questions, mais qui constitue un défi que les entreprises de notre pays doivent relever.
C'était l'occasion de donner une vision politique à notre économie, de définir des stratégies, en particulier dans le domaine industriel, pour donner des perspectives claires à nos entreprises.
C'était l'occasion de fédérer tous les acteurs économiques autour d'un projet partagé.
C'était l'occasion aussi de donner du sens à la dimension humaine de l'économie au sein d'une société qui s'interroge. Car aujourd'hui, à quoi bon parler de modernisation de l'économie si l'on n'y intègre pas la place qui doit être réservée à l'épanouissement humain, mais aussi à la dimension environnementale et plus globalement au développement durable ?
Or nous nous préparons à examiner un texte très technique, particulièrement diversifié, dont l'absence manifeste de cohérence a été accentuée par l'amoncellement des amendements dispersés de votre majorité.
Certes, dans le titre Ier en particulier, certaines mesures peuvent être considérées comme positives. Elles méritent cependant d'être améliorées, voire précisées, au cours de la discussion des articles ; nous avons déposé des amendements à cette fin.
Cependant, force est de constater qu'elles ne sont pas à la hauteur de l'ambition dont notre économie a besoin pour permettre aux entreprises de relever les défis auxquels elles sont confrontées et faire bénéficier notre pays du tissu économique qui lui est indispensable. Tous le monde s'accorde à constater que la France ne dispose pas d'un tissu de PME suffisamment développé par rapport à celui de nos concurrents économiques. Alors que les PME de 100 à 3 000 emplois ne représentent que 10 % de nos entreprises, elles en représentent 40 % aux États-Unis, 45 % au Japon et 34 % en Allemagne. Rien n'est prévu dans ce texte pour inciter et agir dans ce domaine, alors qu'il s'agit d'un problème structurel de notre tissu économique.
Au-delà d'une volonté politique affirmée, il est clair qu'il manque un outil financier majeur d'incitation et d'accompagnement pour soutenir les entreprises dans des périodes stratégiques de leur vie, que ce soit en matière de recherche et d'innovation, de croissance interne ou externe, voire de retournement ou de restructuration, la disparité des outils existants n'offrant pas les leviers qui seraient nécessaires.
Il faut créer un outil mixte à fort potentiel réunissant la collectivité publique et des financements privés pour répondre, comme dans d'autres pays, à cet objectif de développement de nos PME.
Le projet de loi qui nous est proposé aurait pu également permettre de clarifier les interventions publiques dans le domaine économique et de corriger les confusions résiduelles de la loi du 13 août 2004 dans la répartition des responsabilités entre les différents échelons territoriaux.
L'État doit définir les grandes stratégies économiques et, notamment, industrielles, mais il serait nécessaire de conforter les régions dans leur rôle de chef de file du développement économique, en lien direct et complémentaire avec les communautés d'agglomération et les communautés de communes, qu'il faut inciter à avoir le périmètre suffisant pour répondre plus efficacement à leurs responsabilités en termes de développement économique et d'aménagement du territoire.
Ce débat aurait pu être l'occasion de dresser un bilan des schémas régionaux de développement économique mais aussi des pôles de compétitivité afin de les utiliser également comme des outils de la modernisation de notre économie, en vérifiant leur efficacité et leur efficience.
On aurait pu aussi dresser un bilan de l'action des tribunaux de commerce à propos de la restructuration des activités des entreprises et de leurs conséquences souvent néfastes en matière d'emplois.
Par ailleurs, le secteur de l'économie sociale est pratiquement oublié. Seules les entreprises d'insertion sont citées, sans que des moyens significatifs supplémentaires leur soient apportés. Il n'est pas du tout question de l'économie sociale de production. Pourtant, les mutuelles et les coopératives, à travers leurs différents statuts, représentent un fort potentiel en matière de développement économique. Leur dimension humaine dans l'économie s'inscrit bien dans la modernité et mériterait reconnaissance et promotion en contribuant à une réflexion philosophique et politique liée à leur spécificité.
Pour conclure, je ferai deux remarques sur les autres chapitres.
Je doute que la modification des règles de l'urbanisme commercial suffise à faire baisser les prix à la consommation, étant donné la concentration des centrales d'achat, qui représente certainement le plus grand frein à la concurrence et à une juste fixation des prix, que ce soit en amont, pour la production et la transformation, ou en aval, pour les consommateurs. Nous vous proposerons de remédier à ce problème en adoptant les amendements que nous avons déposés.
Enfin, la desserte numérique à grande vitesse des territoires mérite aussi une discussion et une action d'une autre dimension tant les conséquences peuvent être fondamentales en matière de modernisation de notre économie et, surtout, d'équité dans l'aménagement de nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)