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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 7 juin 2011 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Première partie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac, président de la commission des finances :

Monsieur le président, conformément à la tradition, avant que ne s'engage le débat sur les articles, je souhaite dire un mot de la manière dont j'ai appliqué l'article 40 de la Constitution et les dispositions organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale aux 598 amendements originaux – 1 537 en comptant les amendements identiques – déposés en séance.

Une soixantaine d'amendements ont été déclarés irrecevables, soit 10% environ des amendements originaux, contre 15% lors de l'examen du dernier collectif budgétaire. Comme vous le savez, les amendements créant une perte de recettes pour les administrations publiques doivent être gagés. Les amendements ne comportant pas de gage – fort peu nombreux, mais cependant toujours présents, y compris sous la signature de parlementaires expérimentés – ont donc été déclarés irrecevables. Je précise à cet égard qu'un sous-amendement étendant la perte de recettes prévue par l'amendement auquel il se rapporte doit lui-même être gagé : le gage prévu dans le dispositif initial couvre la perte de recettes provoquée par l'amendement et uniquement cette perte de recettes.

Ont ainsi été déclarés irrecevables plusieurs amendements non gagés, proposés par M. Maillé et M. de Courson par exemple, tendant à accorder aux personnes physiques non domiciliées en France la possibilité d'opter pour un régime fiscal potentiellement plus favorable en matière de cession de métaux précieux, bijoux et objets d'art. Ces amendements auraient dû être gagés afin de couvrir la perte de recettes fiscales subséquente. Néanmoins, conformément à la tradition établie par mes prédécesseurs, j'ai fait preuve d'une grande souplesse en veillant à ce que soient réécrits des gages incorrectement formulés.

En revanche, les amendements créant ou aggravant une charge publique ont dû être censurés. Au-delà de l'intérêt qu'ils pouvaient par ailleurs présenter, j'ai donc dû déclarer irrecevables plusieurs amendements, notamment présentés par M. Bapt et ses collègues, tendant à étendre les possibilités d'indemnisation prévues à l'article 22 du collectif budgétaire. Je l'ai fait sans plaisir, croyez-le bien, mais l'article 40 le commandait.

Certains amendements proposaient ainsi d'enrichir au-delà du seul benfluorex la liste des produits dont la prise aurait engendré des déficits fonctionnels susceptibles d'ouvrir un droit à indemnisation. D'autres envisageaient d'étendre, au-delà des seuls « déficits fonctionnels », le champ des dommages imputables à la prise de benfluorex et pouvant, à ce titre, donner lieu à une indemnisation. D'autres, enfin, tendaient à supprimer le délai de prescription décennal qui constitue la règle de droit commun en matière de responsabilité civile.

Je me permets en outre de rappeler qu'en matière de charges, la lettre de l'article 40 est sans ambiguïté : il est rigoureusement impossible de compenser la création ou l'aggravation d'une charge par la création ou la majoration à due concurrence d'une recette. Tout « gage de charge » est non seulement inutile, mais prohibé.

Enfin, je me suis efforcé de faire respecter le domaine des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Ainsi, la moitié des amendements irrecevables ont été jugés comme tels car leurs dispositions n'avaient pas leur place en loi de finances et constituaient à ce titre des « cavaliers budgétaires ». Parmi eux figuraient des amendements proposant de plafonner les rémunérations des mandataires sociaux et des traders, ou qui encadraient l'activité d'achat-vente de métaux ferreux et non ferreux – des amendements fort nombreux et provenant, de manière très homogène, de l'ensemble de l'hémicycle – en complétant les dispositions afférentes figurant dans divers codes, notamment le code de commerce et le code monétaire et financier.

Certains amendements avaient, par ailleurs, un lien trop lâche avec le domaine des lois de finances pour être jugés recevables. Tel fut le cas d'un amendement de M. Tian proposant de modifier le régime des sociétés de domiciliation. Si l'exposé sommaire indiquait qu'une telle mesure aurait permis de lutter plus efficacement contre la fraude fiscale et sociale, ce lien était trop indirect pour emporter la recevabilité de l'amendement.

D'autres amendements, proposés notamment par Mme de La Raudière, envisageaient d'étendre le champ des exonérations de cotisations sociales prévues au bénéfice des « jeunes entreprises innovantes ». Or, cette perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée par le budget de l'État. Si certains peuvent juger regrettable le vote en loi de finances initiale pour 2011 de la suppression de l'avantage fiscal consenti aux jeunes entreprises, ce n'est, en tout état de cause, pas par le biais d'un tel amendement que nous pourrions revenir en arrière.

Ces amendements étaient irrecevables, quel que soit le point de vue adopté. Du point de vue de la charge : en étendant la compensation accordée par l'État, ils aggravaient une charge publique et entraient donc en contradiction avec l'article 40 ; du point de vue de la perte de recettes : provoquée par l'extension d'une exonération de cotisations sociales, cette perte de recettes était supportée par les seuls organismes de sécurité sociale ; enfin, une telle disposition n'ayant aucun effet sur l'équilibre du budget de l'État, elle ne relève donc pas du domaine des lois de finances et constitue alors un « cavalier budgétaire ».

Un tel cas est symptomatique de la double et forte contrainte qui pèse sur l'initiative parlementaire, les amendements devant respecter à la fois les dispositions constitutionnelles prévues à l'article 40 et les dispositions des lois organiques relatives aux lois de finances et des lois organiques relatives aux lois de financement de sécurité sociale.

Au total, je me suis efforcé d'appliquer l'article 40 avec le plus de souplesse et de discernement possible – sous votre surveillance, mes chers collègues. Certes, une soixantaine d'amendements ont été déclarés irrecevables. Toutefois, il reste encore plus de 530 amendements originaux en discussion – 1 477 en comptant les identiques – qui nous permettront, je l'espère, d'avoir un débat dense et nourri.

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