Monsieur le ministre, mes collègues du groupe SRC ont suffisamment insisté, en exposant leurs arguments avec talent et précision, sur le nouveau cadeau que vous faites aux plus riches pour que je n'y revienne pas à cette heure avancée de la nuit.
Au fond, votre problème, et celui de la majorité, avec ce projet de loi de finances rectificative est le suivant : comment maintenir les cadeaux fiscaux aux plus riches tout en se débarrassant du bouclier fiscal, devenu un véritable boulet politique si l'on en juge par les résultats électoraux de votre majorité depuis quelques mois, et même quelques années ?
À l'évidence, votre réforme est injuste, comme l'ont démontré mes collègues du groupe SRC. De plus, et c'est aussi grave, elle est pénalisante pour la puissance publique. Mais avant d'aborder cet aspect, je voudrais rassurer M. Piron qui doutait de notre volonté de supprimer le bouclier fiscal : nous voulons cette suppression, et nous nous étonnons même de l'enthousiasme dans lequel elle a été votée en commission. À vous entendre ce soir, ce bouclier fiscal aurait été l'une des tares de votre politique fiscale. On se demande bien comment il a pu être adopté il y a quelques années ! Quant à nous, nous vous avons toujours dit que c'était à la fois une erreur et une injustice. Que M. Piron soit donc rassuré !
La réforme qui nous est proposée est injuste et pénalisante pour la puissance publique. Quoi que vous en disiez, le manque à gagner pour l'État sera de quelque 2 milliards d'euros, ce qui aura pour conséquence de fait d'affaiblir la puissance publique. Je ne veux pas croire qu'il s'agisse d'un affaiblissement voulu des possibilités d'intervention de l'État dans ses politiques régaliennes.
Je prendrai deux exemples très précis, sur lesquels nous avons d'ailleurs déjà insisté, que ce soit lors des questions au Gouvernement ou dans le cadre du récent débat sur la RGPP, au cours duquel nous vous avons posé, monsieur le ministre, des questions auxquelles vous n'avez d'ailleurs pas toujours répondu, notamment en ce qui concerne l'éducation nationale. Je vous ai ainsi dit, la semaine dernière, que celle-ci ne semblait pas être votre préoccupation majeure, puisque vous n'avez pas apporté de réponse au problème, qui n'est pas mince, de la suppression de 16 000 postes dans l'éducation nationale à la rentrée prochaine, ni, surtout, à celui du coût induit par cette suppression, qui équivaut à peu près à 250 millions d'euros. C'est pourquoi je parle d'affaiblissement de la puissance publique, que ce soit dans l'éducation nationale ou dans les autres domaines régaliens de l'État, police et justice notamment.
M. Chartier nous a dit tout à l'heure, de manière un peu curieuse et superficielle – il m'excusera de ce terme ! –, que la réforme fiscale que vous mettez en place ne déclenchait pas de mouvement populaire. S'il parlait de ce projet de loi de finances rectificative, c'est sans doute vrai, mais c'est être sourd à tous les mouvements de protestation, de colère, d'inquiétude qui touchent, par exemple, les parents, les enseignants, justement parce qu'il y a des suppressions de postes dans chaque commune, dans chaque ville, dans chaque village. Il n'y a pas une école, pas une commune qui ne soit touchée par les conséquences des suppressions de postes dans l'éducation nationale. Vous êtes d'ailleurs vous-mêmes conscients du mouvement qui monte aujourd'hui dans notre pays pour la défense de l'école, que vous êtes en train de fragiliser avec vos suppressions de postes. Il n'y a pas un maire, un élu local qui ne proteste contre l'absence de policiers dans la rue. Ils sont obligés de prendre des mesures qui coûtent cher aux collectivités locales, parce que l'État ne joue plus son rôle de puissance publique.
Les députés du groupe SRC ne peuvent accepter ce projet de loi de finances rectificative, qui est injuste et aura pour conséquence un affaiblissement dramatique de la puissance de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)