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Intervention de Thierry Carcenac

Réunion du 6 juin 2011 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Carcenac :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative traduit, selon ses auteurs, la volonté d'instaurer une fiscalité du patrimoine plus juste, plus simple, et économiquement plus pertinente. À les entendre, l'exception française pénaliserait l'attractivité fiscale de notre pays, aboutirait progressivement à des situations confiscatoires et favoriserait l'expatriation.

Pour nous, l'impôt juste doit être proportionnel aux facultés contributives ; il doit aussi être progressif et redistributif.

Notre pays compte près de 35 millions de foyers fiscaux, dont la moitié seulement sont assujettis à l'impôt sur le revenu ; 8 millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté. Mais nous parlons aujourd'hui des 0,01 % des foyers ayant les revenus les plus élevés, soit près de 3 500 foyers, dont 925 qui concentrent près de 60 % du coût du bouclier fiscal.

Ce que l'on constate, ce sont des inégalités de revenus, mais aussi des inégalités de patrimoine. Le produit de l'impôt sur la fortune est beaucoup plus concentré que celui de l'impôt sur le revenu.

L'ISF a vu sa progressivité très fortement atténuée par le bouclier fiscal ; la composition des revenus des contribuables de l'ISF reflète l'âge moyen des assujettis : 68 % ont plus de soixante ans, 39 % plus de soixante-dix ans. Selon vos services, les expatriations auraient concerné, de 1996 à 2005, près de 5 000 foyers composés de cadres ou dirigeants et de retraités pour près de 20 % au total.

Le neuvième rapport du Conseil des prélèvements obligatoires indique, aux pages 304 et 305, que « l'augmentation significative du nombre de ces départs depuis 2004, comparable à celle du nombre des redevables assujettis, suggère par ailleurs que ceux-ci ne sont pas, en général, liés à des considérations fiscales, compte tenu des modifications législatives intervenues depuis lors – baisse des taux d'imposition à l'impôt sur le revenu, bouclier fiscal mis en place en 2005, renforcé en 2007.

« Ces données ne portent, par construction, que sur le patrimoine taxable imposable à l'ISF, et excluent donc le patrimoine dit professionnel qui est exonéré. […]

« Le phénomène apparaît cependant circonscrit et davantage lié à la taxation de la plus-value réalisée lors d'une cession patrimoniale que résultant de l'ISF. »

Depuis 2004, on observe que le niveau de vie des plus aisés continue de progresser, essentiellement en raison de l'augmentation rapide des revenus du patrimoine. L'impôt sur le revenu est devenu moins progressif et moins redistributif.

À la page 369 de ce même rapport, on lit : « La fiscalisation du patrimoine n'est pas nécessairement incompatible avec l'efficacité économique. Elle présente, sur le plan redistributif, des avantages compte tenu de la concentration des patrimoines, plus forte que celle des revenus, tant sur un plan instantané que, s'agissant des droits de mutation à titre gratuit, dans une optique intergénérationnelle permettant d'augmenter la part du patrimoine acquise par rapport à celle qui est transmise. »

Vous avez, certes, réuni votre majorité pour débattre de votre projet de réforme, mais vous ne tenez pas compte des conclusions du Conseil des prélèvements obligatoires, qui contredisent certaines de vos affirmations. Vous comprendrez donc que notre groupe votera contre votre texte.

J'aborde maintenant le chiffrage de votre réforme. Vous financez la réforme, mais vous ne financez pas la lutte contre l'évasion fiscale internationale – dont participe d'ailleurs la cellule de régularisation : 300 millions en 2011, 390 millions en 2012, 210 millions en 2013, 50 millions en 2014. Pour justifier ces montants, vos explications sont des plus succinctes.

Comment comptez-vous y arriver ? Vous avez créé une administration de service, alors que de nombreux États abandonnent cette idée et s'orientent vers une administration de contrôle, élargissant leurs enquêtes sur la fraude fiscale. Aux États-Unis, des mesures plus offensives de recherche des comptes offshore et de lutte contre la pratique du secret bancaire ont été prises ; en Allemagne et en Grande-Bretagne, des conventions de taxation des comptes en Suisse à 50 % sans levée d'anonymat sont engagées.

En France, des mesures de renseignements administratifs et fiscaux ont été introduites par une loi de finances rectificative en 2009. Où en est la coopération avec les services fiscaux européens ? Quels sont les premiers résultats ?

La brigade nationale de répression de la délinquance fiscale a enfin été installée au mois de décembre dernier. Composée de vingt-trois agents, elle peut saisir la commission des infractions fiscales sur la base de la présomption de fraude. Quels résultats en attendez-vous ? Sont-ils ceux annoncés, et pourquoi cette diminution dès 2014 ?

Quels engagements de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales prenez-vous ? Quels moyens dégagez-vous ? Aucun indicateur de lutte contre la fraude fiscale ne figure plus dans le programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges ». Maintenez-vous au moins le nombre des agents qui agissent contre la fraude et l'évasion fiscales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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