Ce projet de loi de finances rectificative pour 2011 propose une réforme de la fiscalité du patrimoine ambitieuse et équilibrée, au service de la justice et du développement.
Permettez-moi cependant de mettre l'accent sur une disposition qui n'est pas directement insérée dans le texte, mais qui fait l'objet d'un amendement du Gouvernement : l'imposition des prestations de retraite versées en tout ou partie sous forme de capital aux travailleurs frontaliers. Cette disposition importante mérite que l'on s'y attarde : elle ne touche pas moins de 135 800 résidents français travaillant en Suisse, dont 76 724 Haut-Savoyards qui font chaque jour le trajet entre leur domicile et Genève.
Afin d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, la France et la Suisse avaient signé, en 1966, une convention fiscale. L'application de cette convention entraînait cependant une double exonération des prestations de retraite complémentaire des frontaliers versées sous forme de capital. En effet, l'imposition de telles pensions sous forme de capital n'existe pas en droit français. Or, selon l'avenant à la convention signé à Berne le 27 août 2009, aussi longtemps que les pensions du deuxième pilier sont exonérées en France, la Suisse peut conserver par subsidiarité l'impôt versé.
Cette mesure est, vous en conviendrez, particulièrement injuste : elle se traduit de fait par une double imposition des frontaliers et a de graves répercussions sur l'économie locale, déjà fortement touchée par la crise en 2008 et en 2009. Je précise que le travail frontalier est la première source d'emploi de mon département.
Vous vous étiez engagé, monsieur le ministre, à modifier les règles applicables aux modalités d'imposition de ce capital. Au cours des rencontres qui ont réuni les associations représentatives des frontaliers, les parlementaires et le ministère, il avait ainsi été convenu que les prestations de retraite versées sous forme de capital aux frontaliers seraient imposées en France de manière équilibrée – ce qui est normal – et conforme à ce qui se pratique déjà dans notre pays.
Or, contre toute attente, l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2010 a introduit le principe de la soumission à l'impôt sur le revenu des prestations du deuxième pilier à partir du 1er janvier 2011. Ces prestations concourent ainsi à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu et elles sont, de ce fait, imposées selon le barème progressif qui s'applique à cet impôt, ce qui conduit à une taxation qui peut atteindre 40 % lors du rapatriement du deuxième pilier. Ce taux, vous en conviendrez, est particulièrement désavantageux pour les frontaliers, qui ne peuvent l'accepter.
Cette situation est particulièrement injuste. En effet, intégrer l'imposition du capital du deuxième pilier au dispositif de l'impôt sur le revenu pourrait conduire les frontaliers à acquitter un impôt très élevé, dont il n'existe aucun équivalent pour les salariés qui travaillent en France.
De plus, cette situation pénalise lourdement les frontaliers, nombreux dans ma circonscription, mais aussi dans celles de Claude Birraux et de Marc Francina : à nous trois, nous réunissons la moitié des frontaliers français qui travaillent en Suisse et 65 000 des 75 000 frontaliers haut-savoyards. En effet, le deuxième pilier avait été introduit afin de compenser la retraite très faible issue du premier pilier, qui, je le rappelle, ne permet pas de vivre.
Conscient des difficultés qu'entraîne la situation actuelle, vous avez accepté, monsieur le ministre, de recevoir à nouveau les parlementaires et les associations de frontaliers afin de discuter d'une proposition fondée sur le principe de l'imposition autonome et libératoire du capital de prévoyance. Je tiens à vous en remercier. Il semble que nous nous orientions donc vers un tel principe, à un taux de 7,5 % environ, taux actuellement applicable aux assurances.
Cette solution a le mérite de poser les fondements d'une imposition des pensions de retraite versées sous forme de capital à un taux, il faut bien en convenir, plus avantageux pour les frontaliers que ne le serait l'imposition de ces mêmes pensions selon les règles de l'impôt sur le revenu. Je le répète, je vous remercie, monsieur le ministre, ainsi que le Gouvernement, d'avoir été à notre écoute sur ce sujet, certes particulier, mais qui, je le répète, touche 135 000 personnes – soit l'équivalent d'une belle PME !
Le rapatriement du capital issu du deuxième pilier représente pour les frontaliers un revenu complémentaire nécessaire, destiné à couvrir leurs besoins de base en cas d'invalidité, de décès ou de retraite. Il est donc indispensable d'établir un système d'imposition spécifique juste, équilibré et équitable.
Pour conclure, permettez-moi, monsieur le ministre, trois remarques complémentaires. D'abord, en deux ans, nous aurons changé trois fois de système ! Peut-on, monsieur le ministre, compter sur l'attention, la mansuétude, la pédagogie des services fiscaux ?