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Intervention de Gérard Bapt

Réunion du 6 juin 2011 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Bapt :

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, mon intervention s'adresse à un ministre qui est absent. Telle est la conséquence de la démarche qui consiste à traiter du fonds d'indemnisation des victimes du Mediator dans ce projet de loi de finances rectificative. Je serai donc très bref, monsieur le ministre, puisque je m'adresse en réalité à votre collègue chargé de la santé.

L'article 22 est bienvenu, et le groupe socialiste lui est favorable. Nous sommes en effet sensibles à votre intention d'instaurer dans les plus brefs délais un mécanisme d'indemnisation des victimes du Mediator, afin d'éviter un contentieux de masse qui ne pourrait aboutir qu'au terme de longues procédures judiciaires, lesquelles exercent un effet dissuasif sur nombre de victimes, tant elles s'apparentent à un parcours du combattant, les avocats et les représentants du laboratoire Servier faisant systématiquement appel. Mais ceux-ci ne sont pas les seuls à multiplier les restrictions et les obstacles judiciaires, au nom d'une stratégie de dissuasion qui consiste à décourager les plaignants et à obtenir des compromis privés d'indemnisation, assortis d'engagements à renoncer à toute procédure.

L'article 22 crée un nouveau fonds spécifique, dédié à la réparation d'un drame sanitaire affectant de nombreuses victimes, sur le modèle des fonds créés à la suite des drames du sang contaminé, de l'amiante ou de l'apparition de scléroses en plaques après l'administration obligatoire du vaccin contre l'hépatite B.

Il ne s'agit manifestement pas de traiter de tous les accidents liés à une prescription médicamenteuse. Mais, alors que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux applique depuis dix ans des procédures d'indemnisation de victimes d'accidents médicamenteux, il est clair que la loi Kouchner doit être revue afin que tous les accidents de ce type fassent l'objet d'un traitement plus juste et plus humain. Telle sera, je l'espère, l'entreprise qu'un autre support législatif permettra de mener.

Après avoir travaillé sur l'article 22 avec des associations représentant des victimes et avec les assureurs, j'avais déposé plusieurs amendements tendant à améliorer le texte en tirant les leçons des précédents drames sanitaires. Malheureusement, ces amendements sont passés sous les fourches caudines de l'article 40, dont l'usage systématique et aveugle a conduit à les repousser pour l'essentiel, alors qu'ils étaient conformes à l'esprit dans lequel M. le ministre de la santé a abordé le débat.

Le premier de ces amendements visait à étendre à l'Isoméride le dispositif que l'on propose d'appliquer au seul Mediator. Il s'agit en effet de la même famille chimique, celle des fenfluramines, dérivés des amphétamines. Il s'agit du même métabolite toxique, la norfenfluramine. Il s'agit en outre du même laboratoire fabricant, le laboratoire Servier, qui a recouru aux mêmes méthodes de négation et de dissimulation de leurs effets cardiovasculaires indésirables. Il s'agit enfin des mêmes malades, auxquels ces médicaments ont été prescrits, pour l'essentiel, en raison de leur effet anorexigène, c'est-à-dire coupe-faim.

Il reste quelques centaines de victimes de l'Isoméride qui n'ont obtenu aucune réparation après l'interdiction prononcée en 1997, avant la création de l'ONIAM. Ces victimes ont le plus souvent renoncé à toute action pénale, parce que les procédures sont interminables, exténuantes et coûteuses.

Je vous propose, monsieur le ministre, de reprendre au nom du Gouvernement d'autres amendements fondés, mais également écartés au titre de l'article 40.

Le premier tend à remplacer les mots « causés par l'administration du benfluorex » par les mots « liés à la prescription du benfluorex ». Outre que le concept d'« administration » relève du registre des substances vénéneuses, il s'agit d'éviter que, comme dans le cas du distilbène, le fabricant, confronté à la seule ordonnance, ne conteste que le médicament ait effectivement été pris.

Un autre amendement tend à réécrire l'alinéa 17 pour préciser que les personnes ayant consommé du benfluorex seront prises en charge par le dispositif créé quelle que soit la date de prescription, afin qu'aucun délai ne permette de les en exclure.

Il s'agit ensuite de préciser à l'alinéa 24, en remplaçant le « déficit fonctionnel » pris en considération par le collège des experts par un « dommage », que tous les problèmes de santé imputables au benfluorex seront bien pris en considération.

Enfin, en remplaçant à l'alinéa 17 le terme d'imputabilité par celui d'implication, on s'assurerait que la rédaction de la loi ne donnera pas au laboratoire matière à argumenter juridiquement pour se soustraire à sa responsabilité.

Mes chers collègues, cinq millions de nos concitoyens ont consommé du Mediator. Près d'un million d'entre eux ont pu être identifiés et joints par la Caisse nationale d'assurance-maladie. Chez 7 à 8 % des personnes qui font ainsi l'objet d'un contrôle systématique, des insuffisances valvulaires imputables au Mediator sont diagnostiquées par les cardiologues. En d'autres termes, un nombre considérable de patients ignorerait qu'il a été porté atteinte à son intégrité physique parce qu'une substance toxique est restée trop longtemps sur le marché.

La solidarité nationale doit pleinement jouer son rôle. Je me réjouis que telle soit l'intention affichée par le Gouvernement. Je me réjouirais encore davantage, monsieur le ministre, si vous adoptiez les améliorations que je viens de vous proposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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