Le projet fiscal du parti socialiste, les perspectives budgétaires que vous présentez depuis quelques semaines, sont inquiétantes, tant de notre point de vue, sur les bancs de la majorité, que pour les Français, qui le comprendront semaine après semaine et mois après mois.
Monsieur le ministre, je voudrais souligner quatre qualités de ce projet de loi de finances rectificative.
La première est sa modestie. Il faut un certain courage et une certaine ambition pour présenter une réforme de l'ISF et de tout un pan de la fiscalité du patrimoine. Pour autant, ce n'est pas le grand soir de la réforme de la fiscalité, pas même celui de la fiscalité du patrimoine. La méthode prudente que vous employez me paraît plus judicieuse quand on voit la difficulté d'ajuster les choses avec tout le respect dû à l'ensemble des citoyens, même pris petit groupe par petit groupe – car, si l'impôt n'est certes pas fait pour un petit groupe, aucun citoyen ne doit être traité par le mépris lorsqu'il s'agit de réformer.
Cette modestie, nous l'avons également constatée lors des travaux préparatoires, à travers la méthode intéressante consistant à faire des comparaisons internationales, comparaisons dont il ressort le plus souvent que nos impôts sont les plus élevés, quelle qu'en soit la catégorie. Il y a là, à recettes fiscales inchangées, une assez faible matière à convergence.
Deuxième qualité : la simplification. Les modalités de déclaration de l'ISF et l'évolution de la première tranche me paraissent tout à fait bienvenues, de même que la suppression de l'ISF pour les contribuables assujettis à la première tranche actuelle et la mise en oeuvre de la réforme dès l'année 2011.
Troisième qualité : la cohérence – que plusieurs orateurs ont déjà soulignée. C'est un argument sur lequel nous insistons depuis plusieurs années. Le taux de l'ISF constituait, à l'origine, une fraction supportable de celui du rendement du capital ; ce n'est plus le cas. Il était donc justifié de le modifier.
Quatrième qualité, enfin : l'équilibre financier de la réforme.
Je me permets toutefois, monsieur le ministre, d'indiquer que, si votre projet présente quatre qualités importantes, il présente également ce que j'appellerai des « qualités à approfondir »…
D'abord, si cette réforme a le mérite de tenir compte de l'évolution du débat de ces dernières années, il faudra constamment l'actualiser, car l'une des justifications de cette réforme réside, comme nous l'avons souligné, dans l'évolution du marché de l'immobilier, qui a eu pour effet d'assujettir à l'ISF des contribuables qui n'avaient pas réellement vocation à l'être. Sommes-nous sûrs que la réforme d'aujourd'hui ne correspond pas à l'évolution d'hier plutôt qu'à celle d'aujourd'hui ? En effet, lorsque l'on voit la progression des prix de l'immobilier sur ces deux dernières années et qu'on la projette sur les années qui viennent, on s'aperçoit que le problème se reposera sous peu, car nos règles actuelles d'actualisation du barème se trouveront dépassées. On aurait d'ailleurs pu imaginer traiter la question dès aujourd'hui ; tel n'a pas été le cas. Il faut cependant garder cet aspect en mémoire.
Deuxième observation : dans le nouveau barème, on est assujetti à l'ISF à partir d'un certain seuil, mais le taux s'applique dès le premier euro. Ce n'est pas inédit, même si ce n'est pas habituel dans notre système fiscal, mais cela n'incite guère le contribuable à la transparence, et je crois que ce n'est pas la meilleure méthode qui soit.
Troisième observation : la question du foyer fiscal n'est pas réglée. Dans le nouveau système, deux personnes ayant un patrimoine de 700 000 euros ne paient pas l'ISF, sauf si elles sont mariées, pacsées ou en concubinage déclaré. Notre commission a certes voté des mesures qui améliorent le dispositif s'agissant de la réduction pour enfant, mais la question du foyer lui-même devra, un jour, être mieux traitée.
Enfin, s'agissant de la fiscalité sur les transmissions, vous proposez un dispositif qui a sa cohérence et dont, comme vous l'avez souligné, il fallait trouver les modalités de financement. Il est sans doute un peu sec. Je crois que l'on aurait pu envisager des mesures plus modestes qui, par leur existence même, auraient eu la vertu d'inciter à la circulation du capital. Aujourd'hui, la réduction des droits de donation est de 50 % au-dessous de 70 ans ; c'est un pourcentage très incitatif, sans doute excessif lorsqu'il se combine avec le renouvellement périodique des abattements. Je comprends que vous ayez souhaité corriger le dispositif, mais des mesures d'âge de l'ordre de 10 ou de 20 % auraient permis de maintenir une certaine incitation tout en diminuant nettement le coût pour les finances publiques.
Telles sont, monsieur le ministre, les qualités du projet de loi et ses perspectives d'amélioration, dont nous débattrons au fil des articles. D'autres mesures seront sans doute prises ultérieurement pour améliorer l'ISF ; pour l'heure, il s'agit d'une étape utile et d'une réforme solide. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)