Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour réformer, il faut du courage. Pour réformer la fiscalité, il faut beaucoup de courage. Pour réformer la fiscalité à un an des élections présidentielles, il en faut énormément.
La première évidence est que, dans ce dossier comme dans beaucoup d'autres, le courage n'a pas manqué. Il n'a pas manqué au Gouvernement, qui a pris ce dossier à bras-le-corps ; ni à la majorité parlementaire, car c'est elle qui est à l'origine de cette réforme, et c'est à elle qu'il revient à présent de prendre ses responsabilités face à l'opinion publique.
Je tiens pour ma part à dire clairement que je ne regrette pas d'avoir voté le bouclier, mais je n'hésiterai pas à me prononcer aujourd'hui pour sa suppression.
Pourquoi ce changement ? Parce que, depuis 2007, la situation économique a elle-même profondément changé. Les priorités ont été bouleversées par les conséquences de la crise économique. Aujourd'hui, comme en 2007, il est important de soutenir la croissance, d'encourager l'investissement, et donc de modérer la pression fiscale. Mais il est devenu tout aussi important de réparer les ravages causés par la crise sur les finances de l'État, en France comme partout ailleurs dans le monde.
Le Gouvernement tient à éviter une hausse générale des impôts, et il a raison. Mais il n'échappera pas à la nécessité de revoir toutes les niches fiscales, et le bouclier fiscal ne saurait échapper à cette règle.
On a beaucoup parlé des principaux bénéficiaires des restitutions faites au titre du bouclier fiscal : les contribuables les plus aisés. Il faut toutefois rappeler que près de la moitié des 14 500 bénéficiaires du bouclier ont un revenu annuel inférieur à 3 500 euros. Ce sont, dans la plupart des cas, les propriétaires d'un bien immobilier, dont ils ont le plus souvent hérité. Mais leurs revenus sont faibles, et par conséquent leur capacité contributive est limitée. C'est à eux que je souhaite consacrer la suite de cette intervention.
Ces petits contribuables vont se trouver dans une situation pour le moins paradoxale : ils ne bénéficieront pas de l'allégement de l'ISF, puisqu'ils n'en sont pas redevables ; ils perdront la protection du bouclier fiscal, puisque celui-ci va disparaître ; ils continueront à relever, pour leurs biens immobiliers, de cet autre impôt sur le patrimoine qu'est la taxe foncière, et qui n'est pas concernée par la réforme.
Voilà l'occasion de rappeler qu'en France, l'impôt sur le patrimoine immobilier est pour l'essentiel non pas un impôt d'État, mais une taxe locale. Alors que le produit de l'ISF est de 4,4 milliards d'euros, celui de la taxe foncière pesant sur les ménages est de 14 milliards, c'est-à-dire plus du triple.
Il n'y a donc pas de véritable réforme de l'impôt sur le patrimoine foncier sans réforme de la taxe foncière, car les bases, révisées pour la dernière fois en 1970, sont aujourd'hui sans aucun lien avec la réalité.