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Intervention de Christian Eckert

Réunion du 6 juin 2011 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Eckert :

Peut-être pourrions-nous tomber d'accord au moins sur un point, monsieur le ministre : la fiscalité, en France, est injuste.

Elle est injuste en ce qu'elle impose différemment les revenus du travail et ceux du capital.

Elle est injuste en raison de niches fiscales très nombreuses, et très productives pour ceux qui les utilisent.

Elle est injuste en raison d'un impôt sur les sociétés très inégalitaire, qui favorise les entreprises du CAC 40 par rapport aux PME.

Face à cette injustice fiscale, nous pourrions nous rassembler. Mais vous avez décidé de vous attaquer à des problèmes qui concernent les seuls assujettis à l'ISF, soit 1,6 % des contribuables, ou les bénéficiaires du bouclier fiscal, soit 0,04 % des contribuables. En cette période de crise et d'austérité, on aurait pu retenir, me semble-t-il, d'autres priorités.

Vous nous avez dit que l'immobilier avait à lui seul fait entrer de nombreux contribuables dans la catégorie des assujettis à l'ISF. Le rapport de notre collègue Gilles Carrez est pourtant très éclairant. Le tableau de la page 78 fait apparaître que, dans la première tranche de patrimoine imposable, la résidence principale représente seulement 25 % des actifs nets assujettis à l'ISF. Oui, la résidence principale ne constitue qu'un quart du patrimoine de ces contribuables ! Et cette proportion, bien entendu, va décroissant au fur et à mesure que l'on monte dans les tranches.

On nous cite, à la page 77 du rapport, le fameux exemple de ce couple qui aurait investi, en 1997, dans un logement situé en région parisienne, pour un montant de 2,5 millions de francs, c'est-à-dire 381 000 euros, qui représentent quelque 500 000 euros d'aujourd'hui. S'il est vrai que la valeur de cette résidence est à présent supérieure, expliquant l'entrée – de justesse – de ce foyer fiscal dans la catégorie des contribuables assujettis à l'ISF, il reste que nous parlons ici d'un couple capable d'investir dans un logement 500 000 euros d'aujourd'hui. Reconnaissez avec moi que cela n'appelait pas une telle mansuétude...

Certains, dans la majorité, voudraient modifier le nouveau seuil d'entrée, fixé à 1,3 million d'euros. Les uns souhaitent l'augmenter, les autres l'abaisser. Je leur rappelle qu'il existe déjà un abattement de 30 % sur la valeur de la résidence principale. Ceux qui entreraient dans le champ de l'ISF du seul fait de celle-ci – et à condition, qui plus est, qu'ils n'aient aucune dette à rembourser pour son acquisition – ne seraient donc touchés que si sa valeur était supérieure à 1 875 000 euros. Le rapporteur général nous a momentanément quittés, mais nous aurons l'occasion de revenir sur les exemples du Perreux-sur-Marne que nous avions évoqués en commission.

Par ailleurs, la réforme n'est pas financée, cela a déjà été dit. La taxe sur les résidences secondaires des non-résidents est censée rapporter 176 millions d'euros. Mais j'appelle votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur les conditions mises au paiement de cette taxe. Il faudra avoir été non-résident pendant plus de cinq ans, ou pendant plus de trois ans consécutifs durant les dix dernières années. Cela permettra malheureusement à beaucoup d'y échapper.

Quant à l'allongement de six à dix ans du délai de rappel des donations, c'est une mesure dont vous dites attendre une recette annuelle de 450 millions d'euros. Mais en 2006, lorsque la mesure inverse avait été décidée, c'est-à-dire lorsque le délai de reprise avait été ramené de dix à six ans, son coût avait été évalué à 40 millions seulement. Nous en avons longuement débattu en commission. Nous y reviendrons lors de l'examen des articles.

Je m'arrêterai un instant sur le tableau de la page 83 du rapport, pour essayer de cerner qui seront les gagnants et les perdants de votre réforme de l'ISF.

Ce tableau est présenté de façon astucieuse mais, si l'on reprend les calculs pour les six tranches existantes, on note que, pour la première tranche de l'ISF, les contribuables y gagneront 100 % de celui-ci, puisqu'ils ne seront plus assujettis. Les contribuables assujettis à la deuxième tranche gagneront en moyenne 19 %, y compris sans le bouclier fiscal. Concernant la troisième tranche, le gain est de 24 % ; il est de 20 % pour la quatrième, de 27 % pour la cinquième, et ce n'est que pour la sixième et dernière tranche qu'il y aura une augmentation de la contribution, de l'ordre de 15 % en moyenne, ce qui rapportera 45 millions d'euros – une bagatelle par rapport aux sommes que nous évoquons aujourd'hui.

Pis encore, la commission des finances a adopté un amendement que je qualifierai de mesquin. Il n'y a pas de petits profits, mes chers collègues : la réduction d'ISF pour les contribuables ayant des enfants est doublée, passant de 150 à 300 euros.

Il apparaît donc clairement que votre politique est partiale : le capital est une fois de plus épargné, et c'est à la grande majorité des Français que votre réforme, qui n'est pas entièrement financée, fera mal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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