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Intervention de Daniel Garrigue

Réunion du 6 juin 2011 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Garrigue :

La réforme de la fiscalité du patrimoine, annoncée voici quelques mois comme l'un des enjeux majeurs de l'année 2011, est au coeur de ce collectif budgétaire. Elle pose deux questions : celle de l'équité, question d'autant plus vive que notre société est touchée par la crise, et celle de l'efficacité, donc du rendement de l'impôt, dans une période où nous souffrons du déséquilibre persistant de nos finances publiques. Or, sur ces deux points, la réforme n'apporte pas les réponses attendues.

Le bouclier fiscal s'est révélé de plus en plus contestable parce qu'il rompt dans son principe l'idée même de solidarité qui fonde la République, et que l'avantage qu'il procure va croissant avec les revenus et le patrimoine. Il aura cependant fallu près de trois ans de débat au sein même de la majorité pour que vous reconnaissiez cette évidence.

Quant à l'ISF, son assiette est, depuis l'origine, discutable. L'occasion vous était offerte, à travers cette réforme, de lui donner une assise plus consensuelle en en faisant, à l'exception de l'outil de travail, une imposition universelle, en renforçant son caractère moderne d'impôt déclaratif annuel et en veillant à ce que son rendement reste au niveau qui était jusqu'à présent le sien. Au lieu de cela, vous avez préféré agir sur les seuls taux d'imposition, réduisant ainsi fortement le rendement.

Était-il raisonnable de nous proposer, il y a quelques semaines, la « règle d'or » des finances publiques, pour faire aujourd'hui l'impasse sur près de 2 milliards d'euros ? Il y a des circonstances, monsieur le ministre, où l'obligation d'assumer l'État doit l'emporter sur les considérations d'idéologie et de clientèle. On ne peut en effet manquer de s'interroger sur la portée des mesures de compensation que vous proposez. Les plus sérieuses sont, sans nul doute, celles portant sur les donations, mais nombre d'orateurs ont déjà souligné les effets aléatoires de l'augmentation du délai de rappel, même si un amendement du rapporteur général tend à les lisser.

Pour le reste, vous proposez diverses mesures de caractère relativement exotique, au rendement plus qu'incertain. C'est vrai de l'exit tax, excellente dans son principe, mais qui comporte de nombreux éléments de fuite. C'est vrai de la taxation des résidences secondaires des non-résidents, dont l'eurocompatibilité reste incertaine. C'est plus vrai encore de l'imposition des trusts, également excellente dans son principe, mais le problème, en ce domaine, est d'abord celui de l'accès aux informations. On nous a beaucoup entretenus, depuis deux ans, de la signature de conventions avec certaines juridictions jusqu'alors non coopératives. Or le récent rapport du forum financier et d'échange d'informations de l'OCDE montre que, malgré ces conventions, les pratiques de secret et d'opacité perdurent, notamment de la part de la Suisse et de Singapour qui, dans leurs régions du monde respectives, dictent largement le comportement des autres juridictions du même type.

On doit enfin regretter que le débat sur l'imposition du patrimoine ait été limité au seul diptyque bouclier fiscal-ISF. Le rapporteur général a lui-même proposé de renforcer l'imposition des produits d'assurance-vie transmis au décès du souscripteur, en le limitant malheureusement aux très grosses successions. Nous sommes très loin du milliard d'euros de recettes initialement envisagé par le groupe de travail qui s'est penché sur ce dossier. Or il est clair que nous ne pouvons pas continuer à privilégier de façon excessive ce type de placement, même s'il rencontre, c'est vrai, la faveur d'un très grand nombre de nos compatriotes. Nous devons lancer une réflexion visant à le faire contribuer à l'effort global, à remédier à un certain nombre de failles, notamment celles qui profitent aux résidents fiscaux étrangers, et à mieux orienter les sommes placées.

Telles sont les raisons, monsieur le ministre, pour lesquelles je me prononcerai contre cette réforme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

(M. Marc Le Fur remplace M. Jean-Pierre Balligand au fauteuil de la présidence.)

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