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Intervention de Jean-Claude Sandrier

Réunion du 6 juin 2011 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Sandrier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le Gouvernement n'a cessé, depuis dix ans, et plus encore depuis 2007, de favoriser exclusivement les revenus du patrimoine, quitte à accroître les inégalités dans des proportions inouïes, puisque désormais, 6,5 millions de salariés touchent moins de 750 euros par mois, tandis que, par exemple, la fortune de Bernard Arnault, PDG de LVMH, représente, selon le magazine Forbes, quelque 2 400 000 années de SMIC ! Aujourd'hui, la quasi-totalité des revenus du travail est soumise à l'impôt sur le revenu, alors que plus de 80 % des revenus du capital y échappent.

Vous avez fragilisé nos finances publiques dans des proportions inédites. La dette aura doublé en dix ans du fait de votre gestion calamiteuse. Calamiteuse, car c'est uniquement pour alléger davantage les impôts des plus riches et satisfaire les marchés financiers que vous avez creusé les déficits.

Quant à la crise, vous en êtes coresponsables avec les marchés financiers ; de ce fait, vous ne pouvez vous en servir d'alibi.

Comment s'étonner que vous reculiez devant la nécessité de prendre à bras-le-corps la problématique du rétablissement d'un minimum de justice fiscale, de vous attaquer enfin de façon sérieuse à la question des niches fiscales, qui représentent un coût de 100 milliards d'euros – 173 milliards d'euros avec les niches sociales –, à la question de la fraude et de l'évasion fiscale, qui représentent un manque à gagner pour nos finances publiques de 30 à 40 milliards d'euros ? Vous ne vous résignez pas à ce que les plus riches apportent à la nation une contribution en proportion de leur richesse. Cela vous amène à cet infantile exposé des motifs qui commence ainsi : « L'ISF est de plus en plus mal accepté par les redevables. » Comme si l'on avait déjà vu un redevable accepter de mieux en mieux son imposition ! La seule question que doit se poser un représentant de la nation est de savoir si l'impôt est juste et utile. Mais vous ne vous posez pas cette question. Vous ne vous la posez pas, non plus lorsque vous dites que l'ISF constitue un handicap de compétitivité préjudiciable.

Cela revient à dire qu'avec l'impôt, l'État ne fait rien d'utile, rien qui puisse améliorer la compétitivité et l'attractivité du pays. C'est faux. Pourquoi, encore aujourd'hui, des investisseurs sont-ils attirés par la France ? Nous le savons, c'est pour la qualité de ses infrastructures, de sa formation et de ses services publics. Mais si cette qualité existe, c'est parce que l'État, dans notre pays, a toujours su se donner les moyens, en tout cas jusqu'à une période pas si éloignée, d'investir dans ces atouts de la compétitivité que sont les investissements publics.

Vous allez exonérer ou alléger l'ISF pour 99 % des assujettis. Vous avez, certes, proposé des mesures de compensation, mais nombre d'entre elles restent aléatoires. Ainsi en est-il de l'exit tax, dont nous approuvons le principe, mais dont le rendement réel semble bien incertain, à supposer que cette mesure ne soit pas censurée par la très libérale Cour européenne de justice.

Au terme de votre réforme, une chose est sûre : on gagnera toujours plus en France à hériter, à optimiser fiscalement ou à acheter et revendre de l'immobilier, bref, à être rentier, qu'à travailler pour produire des richesses socialement utiles. Ainsi, les 352 ménages les plus riches de France, qui tirent l'essentiel de leurs revenus des plus-values de cession, continueront de s'acquitter d'un taux d'imposition réel dérisoire : 15 % seulement, très en deçà du taux marginal de l'impôt sur le revenu, pourtant un des plus bas d'Europe.

Nous considérons que la priorité doit être accordée aujourd'hui à une fiscalité juste et efficace, respectueuse du principe constitutionnel de la participation de chacun à l'impôt à hauteur de ses capacités contributives.

Faire jouer de nouveau à l'impôt, et en particulier à l'impôt sur le revenu, le rôle qui doit être le sien en termes de réduction des inégalités fiscales et sociales, permettre à l'État de réduire les déficits publics et sociaux et d'exercer un rôle de levier économique afin de favoriser l'investissement, l'emploi et les salaires, notamment en modulant l'impôt sur les sociétés, telle est notre conception d'une politique fiscale et économique au service de l'intérêt général. C'est aussi le sens de la proposition de loi que nous avons défendue ici même en décembre dernier.

Pour préserver les intérêts de quelques nantis, vous êtes à genoux devant les marchés financiers. Quel est donc ce monde dans lequel les États sont à la botte des Moody's ou Standard & Poor's, d'obscures officines privées à la solde d'intérêts privés ?

La mobilisation, depuis plusieurs mois, de dizaines de milliers de salariés à travers l'Europe est le signe que grandit la volonté de tenir en échec les politiques libérales qui, depuis vingt ans, ont conduit à l'explosion des inégalités – soulignées récemment par l'OCDE elle-même – et au sacrifice du bien commun sur l'autel du taux de profit et que grandit également l'aspiration à une autre répartition des richesses entre capital et travail.

Le moins que l'on puisse dire est que votre réforme tourne une fois de plus le dos à ces légitimes revendications. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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