… qu'il reconnaît lui-même aujourd'hui : avoir créé, ou plutôt renforcé le bouclier fiscal. Vous semblez également oublier un principe de droit : nemo auditur propriam turpitudinem allegans – personne ne peut se prévaloir de ses propres erreurs.
Or c'est exactement ce qui se passe ici ce soir. Vous avez créé et soutenu un mécanisme, le bouclier fiscal, dont nous vous avons répété pendant quatre ans qu'il était profondément injuste et économiquement inefficace. Vous décidez de le supprimer aujourd'hui – en 2013 en tout cas –, en le remplaçant par une mesure qui revient en fait à vider totalement l'impôt de solidarité sur la fortune de sa substance et à faire perdre à l'État 1,8 milliard de recettes, selon les estimations mêmes du ministère du budget. Ainsi, pour corriger l'une de vos erreurs, vous aggravez la situation des finances publiques.
Là encore, nous pourrions vous rappeler qu'il y a un mois, nous discutions dans cet hémicycle d'une réforme constitutionnelle visant à garantir l'équilibre des finances publiques. L'esprit de cette réforme semble totalement oublié aujourd'hui, à l'heure où les éventuels surplus budgétaires seront affectés au financement d'une réforme qui ne va servir que les plus riches de nos concitoyens.
Mais surtout, cette réforme, dont on nous dit depuis le début qu'elle sera financée et payée que par ceux qui bénéficiaient déjà du bouclier fiscal, semble totalement absurde. M. Le rapporteur général lui-même l'a dit en commission : cela l'a toujours beaucoup agacé de reprendre d'une main ce que l'on donne de l'autre. Or c'est exactement ce qui est en train de se passer. Qui plus est, elle paraît profondément indigne dans une période de disette des finances publiques où l'on supprime des emplois dans les services publics et où l'on engage une révision générale des politiques publiques qui consiste à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux, ce qui rapporte à l'État des sommes en fin de compte assez dérisoires – moins de 500 millions d'euros par an.
Au final, quelle est l'ambition de cette réforme ? rapporteur. Elle est extrêmement mince. Si l'on voulait faire une grande réforme de la fiscalité, non seulement il ne faudrait pas s'attaquer seulement à la fiscalité du patrimoine, mais surtout il faudrait avoir présente à l'esprit l'obligation de rééquilibrer dans notre pays – car là est la priorité – la fiscalité sur le travail et la fiscalité sur le capital.
Ne prenons que la fiscalité sur le capital. Vous martelez que l'impôt de solidarité sur la fortune est confiscatoire. Si tel était le cas, sa base se serait évaporée. Or, le rapporteur général lui-même l'a noté, l'impôt de solidarité sur la fortune est, ces dernières années, extrêmement dynamique et, dans le même temps, sa base a considérablement progressé. Aucune étude économique sérieuse, aucun chiffre ne montre un mouvement d'évasion des capitaux vers l'étranger et aucun chiffre ne le prouve. Les rares études menées sur ce sujet montrent plutôt le contraire : il y a finalement très peu d'évasion fiscale et les domiciliations à l'étranger reposent sur bien d'autres critères que l'impôt de solidarité sur la fortune.
Le patrimoine des ménages français s'élève aujourd'hui à 9 200 milliards, dont seulement 940 milliards servent de base à l'ISF. Sur ces 940 milliards, le produit de l'ISF est de 4,1 milliards, soit 0,5 %. On ne peut donc parler d'impôt confiscatoire. Au contraire, sa base est assez moderne. Elle repose à la fois sur le patrimoine mobilier et immobilier, c'est-à-dire pas seulement sur la pierre, mais aussi sur les placements financiers. La base de cet impôt est beaucoup plus moderne encore en ce qui concerne la valeur des biens mobiliers, puisqu'elle ne repose pas sur des valeurs cadastrales, mais sur des valeurs de marchés, contrairement à ce qui se faisait dans d'autres pays européens et qui a suscité des réformes, notamment en Allemagne. Je le répète, la base de cet impôt est moderne. Cela étant, elle est trouée de niches, comme nombre de nos impôts et c'est précisément cela qui aurait dû être réformé.
Enfin, on observe en France une croissance des patrimoines les plus élevés chez les plus riches de nos concitoyens. Or c'est précisément à ceux-là que vous allez faire aujourd'hui un cadeau extrêmement important, avec un mécanisme de prestidigitation qui consiste, d'un côté, à supprimer le bouclier fiscal, mais seulement à partir de 2013,…