Il s'agissait d'abord de remédier à une anomalie fiscale : était très fortement taxé un capital qui n'était pas liquide et que l'on était parfois contraint d'entamer pour pouvoir payer ses impôts.
Lorsque les socialistes ont inventé l'impôt sur les grandes fortunes en 1981, le taux le plus élevé – si certains n'étaient pas nés, M. Muet, lui, s'en souvient – était fixé à 1,5 %, alors même que les obligations d'État rapportaient à l'époque entre 11 % et 14 %. Aujourd'hui, le taux de l'ISF est, pour la tranche la plus élevée, de 1,8 %, alors que les obligations d'État rapportent 3,5 %.
De cette anomalie est né le principe controversé du bouclier fiscal, qui fit couler tant d'encre mais qui était tout simplement la continuation du bouclier Rocard – en son temps supprimé par nous, d'ailleurs, reconnaissons-le –, un bouclier contesté à gauche mais aussi à droite, qui n'avait plus lieu d'exister pour les Français les plus aisés dès lors que les taux de l'ISF redevenaient des taux logiques. Oui, je le dis sans ambiguïté : 0,25 % et 0,50 % sont des taux logiques au regard de la rentabilité moyenne du capital investi, qui s'élève, je le disais à l'instant, à 3,5 % _ autant dire des taux acceptables par tous.
Le plus délicat consistait à relever le défi de la compensation, à l'euro près, de la perte de recettes entraînée par la réforme. Le rapporteur général y a veillé de façon particulièrement scrupuleuse. Le défi était pourtant d'autant plus difficile à relever que la réforme ne devait affecter que le public actuellement soumis à l'ISF. Pour la première fois, une réforme fiscale allait être autofinancée sur une même population de contribuables.
C'est la démonstration, à l'heure des crises mondiales de dette publiques, du sens de la responsabilité et de la stratégie volontariste de la France pour réduire son déficit. C'est aussi une démonstration d'ingéniosité et d'innovation du Gouvernement et de la majorité pour trouver des mesures durables qui forment un ensemble cohérent.
D'ailleurs, chers collègues de l'opposition, vous tournez bien vite court lorsque l'on parle du caractère innovant de ces mesures. N'est-ce pas, monsieur Muet ? Vous préférez, comme M. Cahuzac tout à l'heure, ressasser le passé et citer des mesures que vous avez prises et qui n'ont jamais marché, par exemple l'exit tax, que vous avez créée et qui ne marchait pas, qu'il a fallu supprimer ; pour maintenant la réintroduire forte et efficace, de nature à dissuader les allers et retours fiscaux, moralement dégradants mais, chacun le sait, rentables financièrement.
Il en va de même de la taxation des biens des étrangers en France, qui ne rapporte rien, c'est vrai, car elle est traditionnellement couverte par les conventions fiscales qui la neutralisent quasi totalement, mais, si l'opposition pense que la taxe sur les résidences des étrangers connaîtra le même sort, elle a tort. Elle ignore notamment que cette taxe existe à l'étranger, sans jamais être neutralisée fiscalement. C'est le cas, par exemple, en Allemagne par exemple ; c'est le cas, également, en Suisse, pays qui a fait de cette taxe l'une de ses grandes ressources patrimoniales.
L'opposition fustige aussi, comme toujours, les estimations – jamais justes car ce sont des estimations, dirait l'adage. La manoeuvre est bien connue, mais c'est toujours un argument creux : chacun sait que l'opposition ne dispose d'aucune étude digne de ce nom – ne parlons pas de quelques outils assez fumeux sur internet –, d'aucun institut économique fiable en mesure de prouver ses insinuations, alors même que les directions du ministère de l'économie et des finances ont des dizaines d'années d'expérience en matière de prévisions de recettes, pour les gouvernements issus de toutes les majorités. Bref, encore une posture de l'opposition dont ce débat ne manquera pas de montrer qu'elle est vaine.
En réalité, ce que l'opposition reproche au Gouvernement, ce qu'elle reproche à la majorité, c'est de réussir là où elle a toujours échoué. Elle a échoué à instaurer en son temps une fiscalité moderne. Elle a échoué car elle stigmatise sans arrêt les Français les plus aisés ; or on ne fait jamais grandir une nation en cherchant à stigmatiser les uns pour séduire les autres. Elle continue à échouer en se déjugeant, faute de colonne vertébrale politique, lorsqu'elle soutient aujourd'hui la taxation des oeuvres d'art au titre de l'ISF, alors qu'elle a toujours, lorsqu'elle était au pouvoir, fait de leur exonération une pierre angulaire de cet impôt.