Dans sa décision du 16 août 2007, le Conseil constitutionnel, interprétant l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, a rappelé que le « plafonnement de la part des revenus d'un foyer fiscal affectée au paiement d'impôts directs, loin de méconnaître l'égalité devant l'impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ». Peut-on abroger à la fois le bouclier et le plafonnement ? Pour nous, la réponse est négative. Le maintien de l'ISF nous oblige à un plafonnement – dont on peut discuter le niveau –, et l'abaissement des taux du barème ne résout pas la question. Elle ne fait que l'atténuer, mais elle ne la supprime pas.
Mes chers collègues, je vous mets donc en garde. En cas de recours, le Conseil constitutionnel peut faire tomber l'ensemble de la réforme. Pour ces raisons, je défendrai, au nom du groupe Nouveau Centre, un amendement de retour au « plafonnement Rocard » – je devrais plutôt parler de « plafonnement Strauss-Kahn » – au taux de 70 %, c'est-à-dire le taux fixé à l'époque par un amendement du rapporteur général de l'époque, notre collègue Alain Richard, et par un certain Dominique Strauss-Kahn. Le texte initial prévoyait, en fait, un taux de 80 %.
Qui plus est, l'abrogation du bouclier fiscal, il faut le savoir, ne se fera malheureusement pas en un seul jour. Aussi défendrai-je un amendement cosigné avec le rapporteur général sur l'extension à l'année 2011 du mécanisme de l'autoliquidation que le Gouvernement prévoit de ne systématiser qu'à compter de l'année 2012. Il convient de généraliser cette autoliquidation pour les redevables de l'ISF dès le bouclier 2011.
Troisième remarque, si la taxation accrue des donations et successions des hauts patrimoines est fondée, la suppression des mesures d'âge ne l'est pas. Il nous est proposé de financer la réforme de l'ISF pour mettre à contribution les détenteurs de gros patrimoines en modifiant trois dispositions antérieures à la loi TEPA du 21 août 2007. Je vous le dis d'emblée, monsieur le ministre : la suppression des réductions de droits de donation accordées en fonction de l'âge du donateur n'est pas une bonne mesure. Tout d'abord, cela risque de modifier fortement – notre rapporteur général l'a évoqué – les comportements de nos concitoyens. Pis, cette disposition nous coûtera pendant plusieurs années : vous n'aurez pas de surcroît de recettes, monsieur le ministre, mais bien une chute. Si les donateurs ne sont plus incités par les abattements sur les droits à faire une donation plus tôt, le nombre des donations s'effondrera. Or, face au vieillissement de la population, il convient d'encourager les personnes âgées à transmettre leur patrimoine avant l'âge de soixante-dix ou de quatre-vingts ans. C'est l'équilibre de la société qui est en jeu.
S'agissant de l'allongement de six à dix ans du délai de rappel des donations, qui marque un retour à la situation qui prévalait avant le 1er janvier 2006, il n'est pas du tout sûr que ceux qui utilisent le dispositif attendront tout simplement dix ans au lieu de six. Quoi qu'il en soit, la proposition du Gouvernement est raisonnable. Il en est de même pour la majoration de cinq points des taux des deux dernières tranches du barème des droits de succession.
Quatrième observation, cette réforme financée pour partie par la taxation des non-résidents et la lutte contre l'évasion fiscale internationale pose des questions d'eurocompatibilité. Le groupe Nouveau Centre émet donc un certain nombre de réserves, tant de ce point de vue que du point de vue de l'efficacité économique, sur ces dispositions pourtant essentielles au financement de la réforme.
Il y a ainsi tout lieu de douter de l'eurocompatibilité de la taxation des résidences secondaires des non-résidents. Une limitation du champ d'application de la mesure aux non Européens serait plus prudente. Il est également à noter que les biens immobiliers dont il est question sont souvent la propriété de sociétés écrans, de trusts et de fondations, non directement celle de personnes physiques.
Quant à l'instauration d'une exit tax sur les plus-values latentes ou les participations significatives lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France, le groupe Nouveau Centre doute que l'on parvienne au montant de 189 millions d'euros par an prévu en rythme de croisière. De plus, une telle taxe paraît contrevenir à la liberté de circulation des capitaux qui régit le droit communautaire. La possibilité juridique de contourner le dispositif, via notamment le système des holdings établies à l'étranger, qui semble ne pas avoir été envisagée, risque fort de faire échouer cette mesure tant que les conventions fiscales bilatérales ne permettront par d'accéder aux informations pertinentes.
Enfin, cinquième et dernier point, le financement de cette réforme est insuffisamment assuré.