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Intervention de Charles de Courson

Réunion du 30 mai 2011 à 21h45
Remboursement des services départementaux d'incendie et de secours par l'incendiaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la proposition de loi de notre collègue Pierre Morel-A-L'Huissier, que nous venons de voter, a été l'occasion de souligner dans cet hémicycle le dévouement et le courage de l'ensemble des volontaires qui participent à notre politique de sécurité civile et de leur rendre hommage, le texte dont nous débutons à présent l'examen constitue pour sa part un moyen de revenir sur l'étendue de la tâche dont s'acquittent chaque année les services départementaux d'incendie et de secours.

Ainsi, et pour s'en tenir à ce seul indicateur, ce sont en 2009 près de 4 800 feux de forêt qui ont mobilisé, essentiellement au cours du printemps et de l'été, les moyens tant humains que matériels des SDIS, avec des résultats, chacun le sait, des plus satisfaisants, puisque le nombre d'hectares brûlés chaque année n'a cessé de reculer de manière tendancielle depuis 2003.

Si ces résultats sont d'abord à mettre au crédit des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires qui interviennent sur le terrain, ils s'expliquent également par le caractère puissamment dissuasif des sanctions pénales frappant les auteurs d'incendies volontaires. En l'état du droit, rappelons-le, le fait d'incendier volontairement une forêt dans des conditions de nature à exposer des personnes à un dommage corporel ou à créer un dommage irréversible à l'environnement est passible, aux termes de l'article 322-6 du code pénal, d'une peine maximale de quinze ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende, la peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à la perpétuité lorsque l'incendie a entraîné la mutilation ou l'infirmité permanente d'un tiers.

Si l'architecture de notre politique de sécurité civile s'est trouvée profondément remaniée par la loi du 13 août 2004, les moyens budgétaires engagés en soutien à cette politique restent des plus importants : de l'ordre de 4,2 milliards d'euros de dépenses de fonctionnement en 2010. Il s'agit désormais de moyens fournis, pour l'essentiel par les communes, EPCI et départements, dans la mesure où ces collectivités supportent aujourd'hui plus de 95 % des dépenses de fonctionnement des SDIS. Dans mon département, le pourcentage des autres recettes est d'ailleurs non pas de 5 %, mais de 1 à 2 %. Lorsque j'étais jeune président de SDIS, j'avais donc demandé au directeur s'il était possible de développer cette part des recettes. On m'avait répondu que l'inscription du principe de gratuité dans la loi limitait énormément les possibilités de fixer des rémunérations pour services rendus. Nous avons en effet voté une loi sur les secours en montagne, une autre sur les secours en mer, nous sommes intervenus pour les rave parties entre autres, mais cela ne va pas bien loin.

L'ampleur de ces sommes, ajoutées le cas échéant au montant des dégâts intervenus à la suite des incendies, doit néanmoins amener le législateur à se pencher sur la question du coût que font supporter aux collectivités publiques les auteurs d'incendies, que ceux-ci aient agi de manière délibérée ou involontaire.

À l'heure actuelle, l'article 2-7 du code de procédure pénale permet déjà aux collectivités publiques d'exiger de l'auteur d'un incendie volontaire le remboursement des frais exposés pour lutter contre l'incendie. Toutefois, si les auteurs d'incendies involontaires sont également passibles, lorsqu'ils ont manqué de manière délibérée à une consigne de sécurité, d'une sanction pénale pouvant aller jusqu'à cinq, voire dix ans de réclusion criminelle, le caractère involontaire de l'incendie prive les collectivités publiques de la possibilité de demander le remboursement des sommes engagées.

Reconnaissons-le, si la différence de traitement pénal entre les auteurs d'incendies volontaires et involontaires se justifie pleinement, la limitation aux seuls cas d'incendie volontaire de la possibilité d'une action civile aux fins de remboursement fait figure de curieux paradoxe au sein de notre législation.

À cet égard, le premier mérite de la proposition de loi de notre collègue Bernard Deflesselles consiste à lever ce paradoxe en étendant aux cas d'incendie involontaire les possibilités d'action civile déjà ouvertes par l'article 2-7 du code de procédure pénale.

Par ailleurs, et c'est le second objet de sa proposition, il s'agit de trancher un débat plus général qui a prospéré ces dernières années devant nombre de juridictions, dont l'une des chambres de la Cour de cassation, consistant à savoir si les SDIS étaient ou non fondés à demander devant les juridictions civiles réparation des moyens engagés dans le cadre de leurs missions légales : le principe de gratuité du service public, et plus précisément de gratuité des secours, entre en effet en contradiction, aux yeux de certains, avec cette possibilité.

Convenons-en, la position adoptée sur cette question par la Cour de cassation a de quoi surprendre en ce qu'elle fait fi de l'intention manifestée par le législateur lors des travaux préalables à l'élaboration de la loi du 22 juillet 1987.

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