S'agissant en premier lieu du prix de l'ARENH, le premier chiffre de 40 eurosMWh n'appelle pas de longs commentaires de ma part dans la mesure où il résulte d'un calcul purement mécanique en cohérence avec le Tartam déterminé par le croisement du prix de marché et des volumes attribués à l'ARENH. Concernant le chiffre de 42 euros, nous estimons qu'un décret en Conseil d'État était nécessaire, afin d'encadrer les modes de calcul sur lesquels aurait pu se fonder la CRE pour donner un avis motivé sur le prix de l'ARENH. À défaut de décret, la CRE a défini sa propre méthodologie pour calculer le prix de l'ARENH en fonction de fourmules économiques. Ce faisant, à partir des chiffres communiqués par EDF, nous sommes parvenus à une fourchette comprise entre 36 et 39 eurosMWh. Le Gouvernement n'ayant pas encore fourni sa méthode de calcul, le débat actuel consiste à savoir à combien on réévalue la valeur du capital d'EDF. Notre approche est très comparable à celle employée par la commission Champsaur. Après en avoir débattu, nous n'avons pas délivré d'avis défavorable à la proposition de 42 euros car nous avons estimé que cette proposition ne pouvait naturellement entrer dans le cadre de la loi, qui n'avait pu prévoir les conséquences d'un accident nucléaire de l'ampleur de Fukushima. Nous avons estimé que nous manquions d'éléments pour évaluer les justifications du Gouvernement. En revanche, nous jugerons a posteriori les investissements réalisés en matière de sécurité. Si l'estimation des 42 euros apparaît exagérée, la valeur de l'ARENH pourra être modifiée, à la hausse comme à la baisse. Le débat sur la valeur économique de l'électricité nucléaire historique devra être tranché tôt ou tard par le Gouvernement lors de la rédaction du décret. Le fait que nous n'ayons pas rendu d'avis importe peu à la Commission européenne ; en revanche, elle demandera des explications sur la différence entre nos estimations et les propositions retenues.
Dans la loi NOME, s'agissant des tarifs réglementés, il n'y aura plus de tarifs verts et jaunes au 1er janvier 2016 et les tarifs bleus seront construits par empilements successifs, la première pierre de l'édifice étant le prix de l'ARENH (42 euros). La valeur aujourd'hui équivalente au prix de l'ARENH dans les tarifs réglementés bleus est d'environ 35 à 36 euros. En principe, la différence entre les deux tarifs doit être comblée au 1er janvier 2016. À titre d'illustration, le Gouvernement a annoncé une hausse des tarifs bleus de 1,7 % au 1er juillet. Ce chiffre couvre simplement l'augmentation du prix d'accès au réseau, autrement dit le Turpe (+ 1,7 % au 1er août). Ce mouvement ne permet pas de commencer à réduire cet écart puisqu'il ne couvre rien de la part production.
Je crois avoir répondu sur l'ARENH. J'en viens aux questions qui ont été posées sur les énergies renouvelables.
La CRE a délibéré la semaine dernière sur le résultat de l'appel d'offre concernant la biomasse. Nos observations ont été transmises au ministre concerné. Je ne peux malheureusement vous communiquer aucun élément tant que cette procédure n'est pas terminée.
Dans sa délibération relative au biogaz, la CRE s'est déclarée favorable au dispositif envisagé pour la méthanisation produite à partir des installations agricoles. Par contre, elle a considéré que le tarif de biogaz produit par les décharges est trop élevé et a recommandé que le tarif soit proposé pour vingt ans, comme pour les autres secteurs, plutôt que pour quinze. Les coûts du biogaz en Allemagne sont beaucoup plus faibles ; c'est la raison pour laquelle nous avons exprimé le souci que, si un emballement était avéré, nous puissions réagir rapidement afin d'éviter les à-coups et de ne pas trop pénaliser la filière. La CRE est dans son rôle lorsqu'elle alerte le Gouvernement – qui reste libre de faire ce qu'il veut – sur le risque de bulle spéculative et les coûts liés à des changements de cap brutaux, comme dans le cas du photovoltaïque. Sur le photovoltaïque, 190 contentieux ont d'ailleurs été portés devant le CORDIS et la validité du décret est contestée devant le Conseil d'État, qui devrait se prononcer dans les semaines qui viennent.
Je dois dire que la CRE n'est pas favorable à une augmentation du tarif pour les petites installations de biogaz. Une telle décision est motivée par des objectifs relevant de l'aménagement du territoire et non de politique énergétique. Il y a là un mélange des genres et un manque de transparence pour le consommateur. Le rôle de la CRE est de s'occuper de l'énergie, pas du développement des exploitations agricoles. Le sujet est récurrent : dans mes responsabilités antérieures, l'État, actionnaire de Charbonnages de France, me demandait d'investir pour des raisons d'aménagement du territoire et j'exprimais un avis négatif en rappelant que des organismes, comme la DATAR, sont faits pour cela. Il convient de ne pas de mélanger les caisses.
Toujours concernant le photovoltaïque, la file d'attente d'ERDF est de 3 600 MW, dont 1 640 touchés par le moratoire et 2 040 qui ne sont pas touchés. Vous avez souhaité que nous puissions avoir un accès aux données relatives à la file d'attente : ces données sont publiées sur le site d'ERDF, sous forme agrégée afin de respecter le secret des affaires. La CRE aura la responsabilité de surveiller et de rendre compte de l'évolution de cette file d'attente à partir du mois de juillet.
Concernant l'appel d'offre offshore, il y a des groupes comme Alstom, AREVA, Siemens dont nous savons qu'ils se porteront candidats. De plus petites entreprises le feront-elles aussi ? Vu du montant des investissements nécessaires, il est permis d'en douter. Il faut attendre de voir ce qui se passera, mais l'appel d'offre pourra être modifié pour tenir compte de la situation future. Nous ne sommes pas certains aujourd'hui que les prix envisagés soient suffisants.
J'en arrive aux problèmes liés aux réseaux.
Il est incontestable que les énergies renouvelables ont un impact sur les réseaux. Le système actuel a été conçu pour assurer acheminer l'électricité de manière descendante vers le consommateur, et non pour des énergies intermittentes, réparties un peu partout sur le territoire. Le développement des énergies renouvelables va impliquer de reconcevoir les réseaux en y introduisant plus d'intelligence : d'où les smart grids. Des éléments seront progressivement introduits dans le réseau et cette évolution prendra quinze à vingt ans ; à partir de l'année prochaine, nous travaillerons d'ailleurs sur les tarifs d'acheminement pour la période 2013-2017.
À côté des smart grids se pose le problème des supergrids, ces réseaux de transport de longue distance qui permettront d'acheminer l'électricité des fermes photovoltaïques installées en Afrique du Nord ou des centrales éoliennes offshore d'Europe du Nord. L'enjeu est important et consiste à trouver de moyens de limiter les déperditions d'énergie dues à l'effet Joule sur les longues distances.
Concernant l'hydroélectricité, je signale tout d'abord qu'il n'y a pas d'erreurs sur le document qui vous a été transmis : sur l'objectif de 16 900 MW de puissance installée en 2020, seuls 1 910 MW feront l'objet d'obligation d'achat. La CRE n'a pas en charge la définition de la politique énergétique nationale, qui relève du ministère en charge de l'énergie et des ministres compétents.
Concernant le renouvellement des concessions, la CRE n'est pas compétente et c'est un choix qui a été fait de nous écarter.
La CSPE est-elle tenable avec les hausses envisagées ? Je ne sais pas quelles sont les autres méthodes de financement des énergies renouvelables : soit on fait payer le consommateur, soit on fait payer le contribuable, ce qui revient à peu près au même ; d'ailleurs, pour le Conseil d'État, la CSPE est un impôt. Sur les évolutions envisagées au Sénat, nous n'avons pas d'avis : elles devraient conduire à l'étalement du remboursement de la dette sur sept à neuf ans au lieu de trois à cinq, ce qui ne fera pas évoluer le montant de cette dette mais différera le remboursement.