Avant de débattre du contenu de l'article 23, je souhaite revenir à un certain nombre de points qui ont été abordés hier, au début de notre discussion, et qui sont directement liés au sujet que traite cet article.
Nous avons entendu, à propos de la recherche sur l'embryon, nombre d'arguments assénés avec beaucoup d'aplomb, mais qui appellent des rectifications substantielles.
A Mme Dumont, je voudrais dire que j'ai effectivement écrit dans une tribune, avec cinquante-sept de mes collègues de la majorité, que les perspectives thérapeutiques de la recherche sur l'embryon humain étaient décevantes, et je le maintiens.
J'ai également écrit que les cellules IPS n'appelaient aucune réserve éthique, à l'inverse de la recherche sur l'embryon qui, que vous le vouliez ou non, entraîne presque systématiquement la destruction de l'embryon.
On ne peut pas non plus laisser dire que les avancées obtenues grâce aux cellules IPS seraient dues à la recherche sur l'embryon, ce qui, évidemment, justifierait pleinement l'autorisation de recherche sur le plan scientifique.
Il suffit de rappeler que le professeur Yamanaka a découvert le procédé de reprogrammation cellulaire à partir de cellules souches embryonnaires, certes, mais d'embryon de souris, et qu'il n'a jamais travaillé sur l'embryon humain. Le professeur Testard nous l'avait d'ailleurs rappelé lors des auditions devant la mission parlementaire et la commission spéciale, comme l'a fait le professeur Ian Wilmut dans un entretien récent paru par la revue Génétique.
On nous a dit également que la recherche sur les cellules souches embryonnaires n'entraînait pas la destruction de l'embryon.
Il semble qu'une rectification importante s'impose sur ce point. Il est possible, effectivement, de faire certaines recherches sur l'embryon humain sans le détruire. La preuve, c'est que l'on fait déjà une telle recherche lorsque l'on effectue un DPI. C'est d'ailleurs tout le sens de l'amendement que j'ai déposé et qui prévoit d'interdire la recherche sur l'embryon lorsqu'elle porte atteinte à l'intégrité ou à la viabilité de l'embryon.
Je voudrais également dire à M. le Déaut que, certes, le DPI ne détruit pas l'embryon systématiquement, même si la biopsie embryonnaire d'une à deux cellules, réalisée au troisième jour, présente un fort taux d'échec. En revanche, l'obtention des cellules souches embryonnaires, qui se fait à un stade plus tardif – cinq à six jours –, oblige dans tous les cas à détruire l'embryon. Le prélèvement des cellules souches sur le blastocyste conduit à une destruction à 100% de l'embryon.
Il faut avoir l'honnêteté de dire les choses totalement.
D'abord, il faut préciser que la majorité des protocoles validés entraînent la destruction de l'embryon. Et rappeler ensuite qu'aucune lignée de cellules souches ne peut être obtenue autrement que par la destruction d'un embryon.
Il arrive parfois que des chercheurs travaillent sur des lignées venant d'un autre laboratoire. Celles-ci sont parfois même importées d'un autre pays. Dans ce cas, effectivement, on peut jouer sur les mots et dire qu'ils n'ont pas détruit d'embryon pour effectuer leurs travaux. Il n'en demeure pas moins que ce que ceux-ci n'ont pas fait, d'autres l'ont fait à leur place ! Car, de fait, on ne peut pas dissocier embryon et cellules souches embryonnaires. D'ailleurs, ce lien est opéré dans le cadre de la clause de conscience telle qu'elle existe actuellement. Elle couvre à la fois la recherche sur l'embryon dans son ensemble et sur les cellules souches embryonnaires cultivées à partir de l'embryon. Si elle s'applique aux deux, c'est bien parce que les lignées de cellules souches, même indirectement, découlent toujours de la destruction d'un embryon.
Enfin, on nous a dit que la recherche sur les cellules IPS serait incapable, longtemps encore, de produire des résultats équivalents à ceux de la recherche sur l'embryon.
Il y a là un amalgame qui est fallacieux. Il faut distinguer les domaines de recherche.
Dans le domaine de la modélisation de nouvelles molécules, les cellules IPS se révèlent plus efficaces que les cellules embryonnaires. En particulier lorsqu'elles sont prélevées sur le malade.
Quelques jours après l'annonce très médiatisée du professeur Peschanski annonçant avoir identifié, grâce à des cellules souches d'origine embryonnaire, les mécanismes de la maladie de Steinert, des chercheurs américains sont parvenus au même résultat avec des cellules IPS. Où est la valeur ajoutée par la recherche sur l'embryon ?
De nombreuses équipes à travers le monde ont ainsi montré ces dernières années leur capacité à produire des cellules souches taillées sur mesure, c'est-à-dire issues des patients eux-mêmes. En seulement trois ans, les IPS ont permis de modéliser plus d'une dizaine de maladies.
À l'inverse, les Anglais, qui ont une autorisation absolue concernant la recherche sur l'embryon, n'ont obtenu aucun résultat dans ce domaine depuis vingt ans. C'est un constat.
Concernant le deuxième domaine, celui de l'amélioration des techniques de fécondation in vitro, Jacques Testard a été formel lorsque nous l'avons auditionné. La recherche sur les embryons de mammifères est, elle aussi, une véritable alternative puisque les mécanismes du développement embryonnaire sont communs à tous les mammifères. Encore faudra-t-il que l'Union européenne permette aux chercheurs de travailler sur l'embryon animal !
Sur l'article 23, j'ai donc déposé, avec plusieurs de mes collègues, des amendements qui, en liaison avec ces constats, privilégient le respect dû à l'embryon humain, qui n'est pas une chose ni un amas de cellules, ni l'équivalent de l'embryon animal, mais qui relève, je cite, du « respect de l'être humain dès le commencement de sa vie » inscrit au coeur de notre code civil.