Vous n'avez cependant pas précisé – peut-être était-ce un oubli – que, s'ils n'ont pas été gênés, du moins jusqu'à présent, dans leurs travaux, c'est dans la mesure où les programmes de recherche en étaient au stade de la recherche fondamentale. Cependant, nous en sommes aujourd'hui à un stade ultérieur, celui de l'application éventuelle. Est désormais à l'ordre du jour le passage à la clinique humaine et aux applications industrielles, qui n'étaient auparavant pas à portée de main.
En cinq ans, il faut en prendre la mesure, l'observation et la connaissance des mécanismes biologiques à l'oeuvre ont fait des progrès considérables et d'ores et déjà permis à certains laboratoires de passer aux applications. C'est le cas, par exemple, du laboratoire I-Stem dirigé par le professeur Peschanski, directeur de recherche à l'INSERM, qui consacre deux tiers de son activité à la recherche classique sur les cellules souches embryonnaires et un tiers à la recherche technologique, pour laquelle il utilise des robots qui permettent de travailler sur des milliards de cellules en même temps et de tester jusqu'à 70 000 molécules potentiellement thérapeutiques. « C'est dire que nous entrons sur le terrain industriel des tests de médicaments, qu'il s'agisse de toxicologie, où nous avons déjà obtenu des résultats, ou de tests de criblage sur des cellules porteuses de maladies génétiques », déclarait le professeur Peschanski devant notre commission, citant plusieurs laboratoires pharmaceutiques intéressés par ce type de recherches aux potentialités médicales et thérapeutiques immenses.
Or c'est là que le bât blesse. Nous prenons le risque de retards. Nous prenons le risque que l'industrie pharmaceutique, considérant le cadre législatif actuel comme une source d'incertitude, n'accepte pas d'investir dans notre pays et le fasse ailleurs – en Suisse, en Belgique ou au Royaume-Uni –, ce qui priverait la France des retombées économiques d'un domaine de recherche en très forte expansion, comme le disait encore le professeur Peschanski devant notre commission.
Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ne disait pas autre chose lorsqu'elle se déclarait devant notre mission favorable à l'adoption d'un régime d'autorisation : « Tout risque de dérive et d'abus semble aujourd'hui écarté. C'est pourquoi je pense que l'Assemblée pourrait, dans ce contexte, examiner la possibilité que ces recherches ne soient plus permises seulement par dérogation, mais soient autorisées, avec bien entendu le maintien d'un encadrement très strict par l'Agence de la biomédecine. Cela permettrait d'en finir avec une certaine hypocrisie. »
Pour toutes ces raisons, le groupe GDR plaide pour un régime d'autorisation encadrée. Est-il besoin d'insister sur le fait que ces recherches n'ont pas de fin en soi, qu'elles ne participent d'aucun eugénisme d'État et qu'elles ne sont en aucun cas, comme certains tentent de le faire croire, l'expression de la négation de la vie ? Au contraire, mes chers collègues, ces recherches sont menées dans une perspective médicale, thérapeutique, autrement dit au service de l'être humain.
Elles ont pour vocation d'améliorer la connaissance des mécanismes qui régissent le vivant pour prévenir, guérir, déboucher sur des thérapies, y compris des thérapies en faveur de l'embryon et du foetus, pour intervenir utilement en faveur de la vie à toutes les étapes de son évolution et de son développement.
Permettez-moi, pour terminer, d'évoquer l'image internationale de la France au sein de la communauté scientifique, qui sera profondément ternie si nous maintenons le régime actuel et, à nos yeux, ce n'est pas un détail.