Nous parvenons au point cardinal de ce processus de révision de la loi de bioéthique : le statut de la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires. Nous avons été un certain nombre, à la suite des chercheurs concernés, à nous réjouir de la rédaction retenue par le Sénat, qui modifie le statut de la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires. Nous pensions, hélas à tort, ou dans un élan d'optimisme excessif, que notre assemblée validerait cette position de bon sens. Malheureusement, pour le moment, il semble bien qu'il n'en est rien. En témoignent les amendements déposés sur cet article, qui vont de l'interdiction pure et simple de cette recherche, pourtant très prometteuse, jusqu'au retour au régime actuel d'interdiction assortie de dérogations.
Pour parvenir à la rédaction équilibrée de l'article 23 tel qu'il apparaît dans le projet que nous avons sous les yeux, la commission des affaires sociales du Sénat s'est appuyée sur les préconisations des rapports du Conseil d'État, de l'Office parlementaire des droits scientifiques et technologiques et de l'Académie nationale de médecine, autant d'organismes qui, me semble-t-il, sont respectables.
Le principe du « respect de l'être humain dès le commencement de sa vie », sur lequel repose l'actuel régime d'interdiction de la recherche sur les embryons et les lignées de cellules souches qui en sont dérivées, figure à l'article 16 du code civil. Qu'en disent les hautes juridictions de notre République ?
Dans une décision du 27 juillet 1994, le Conseil constitutionnel indique que le législateur « n'a pas considéré que devait être assurée la conservation, en toutes circonstances, et pour une durée indéterminée, de tous les embryons déjà formés ; qu'il a estimé que le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie ne leur était pas applicable ; qu'il a par suite nécessairement considéré que le principe d'égalité n'était pas non plus applicable à ces embryons. »
Le rapport de la mission parlementaire rappelle par ailleurs que la cour d'appel de Paris avait estimé, dans un jugement de mai 2005, que l'interdiction de procéder à des expérimentations sur l'embryon, posée sous le régime de la loi antérieure à 2004, ne procédait « d'aucun principe de valeur constitutionnelle qui appliquerait aux embryons humains le principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie » et n'avait pas eu « pour objet ni pour effet de protéger de façon absolue l'embryon humain. » Le Conseil d'État, quant à lui, estime qu'il n'y a pas d'argument juridique à opposer à l'introduction d'un régime d'autorisation. Rappelant la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1994 déjà citée, il estime que « sous réserve que les atteintes portées à l'embryon soient justifiées par des motifs majeurs tenant à la protection de la santé, des recherches sur les cellules embryonnaires peuvent donner lieu à autorisation sans que le principe constitutionnel de protection de la dignité humaine puisse leur être opposé ».
La rédaction du Sénat ne contrevient donc en rien à nos principes fondamentaux. Les arguments des tenants de l'interdiction ne reposent donc pas sur des principes juridiques.
Vous avez déclaré, monsieur le rapporteur, que les chercheurs n'étaient pas gênés par les dispositions de la loi de 2004, notamment les dispositions du cadre juridique de la recherche sur les cellules souches embryonnaires.