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Intervention de Jean Leonetti

Réunion du 25 mai 2011 à 21h30
Bioéthique — Article 20 bis

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi bioéthique :

Faut-il que le débat sur la bioéthique soit complexe et quelquefois cruel puisque j'avais donné un avis défavorable à un amendement – il a été voté – qui venait des rangs de l'UMP, et en particulier de l'une des personnes que j'estime le plus dans cet hémicycle !

Je vous donnerai un seul argument. Ce n'est pas l'argument du bonheur, car qui peut décider du bonheur ? Il est des orphelins qui vivent heureux et des gens parfaitement entourés qui vivent dans le malheur. Cet enfant qui naîtrait orphelin, pourquoi serait-il beaucoup plus malheureux, au fond, que celui qui naît dans une famille monoparentale, dont le père est parti ou décédé ? Cet argument me paraît relativement faible.

Je vois bien la cruauté de la situation. Imaginons un couple, probablement jeune, qui attend, dans les quinze jours, l'instant crucial, après une longue période, car préparer un embryon prend du temps. Son projet parental est sur le point d'aboutir, et l'homme meurt subitement. C'est non pas la double peine mais le double deuil, le double drame. Non seulement la vie présente s'arrête, mais la vie à venir aussi.

Et puis je me suis raconté une autre histoire, plus complexe. Cet homme pourrait ne pas mourir brutalement mais être atteint d'une maladie grave, comme un cancer évolué. Il va subir une chimiothérapie. Momentanément stérile, il conservera ses gamètes et créera un embryon. Un jour, parce que la médecine ne guérit pas tout, il comprendra que sa mort est prochaine. Il va donc, en quelque sorte, léguer la vie, faire peser en héritage sur cette femme le devoir de porter l'enfant qu'ils ont conçu ensemble au-delà de sa propre vie.

Les deux situations sont un peu différentes. Dans le premier cas, nous dirions à cette femme que l'embryon est détruit, alors qu'elle vient d'apprendre que l'homme qu'elle aime vient de mourir brutalement ? Dans l'autre, vous sentez ce parfum d'angoisse qui consiste à dire que l'on pourrait programmer la vie après sa mort. Là se pose le vrai problème.

Et je rejoinsPhilippe Gosselin. En effet, les Grecs interdisaient à ceux qui parlaient sur l'agora d'utiliser le pathos parce qu'ils savaient que la rhétorique devait faire appel au logos et que l'émotion est mauvaise conseillère, qu'elle vous étreint, vous fait réagir, alors que le logos, c'est la pensée, puis la parole, et qu'il vous fait réfléchir. Je comprends que l'hémicycle cède de temps en temps à l'émotion, et tant mieux : ce serait terrible un hémicycle qui aurait un coeur sec, avec des yeux secs, une pensée sèche, mais réfléchissez, mes chers collègues, à notre conception et revenons à nos valeurs immuables, interrogées ou torturées par des situations particulières.

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