Tout d'abord, nous ne sommes pas devant un sujet aussi difficile, sur le plan éthique, qu'à l'article 23, que nous aborderons tout à l'heure, relatif à la recherche sur l'embryon. Cela me semble d'une nature totalement différente, et il n'y a pas de passion de notre part, comme certains semblent l'affirmer.
Nos collègues jouent sur l'ambiguïté : certains auraient de l'empathie, une capacité à s'émouvoir, à jouer les humanistes, et d'autres non. En jouant sur cette fibre sentimentale, on passe à côté de l'essentiel. Toutes les situations humaines dramatiques, par exemple celle d'une personne apprenant le décès d'un conjoint avec qui elle avait conçu un projet parental, nous touchent. Qui ne serait pas sensible à ces difficultés humaines ? Je pense à une jeune femme de Rennes qui m'a contacté, et vous avez peut-être à l'esprit d'autres exemples plus personnels.
Nous sommes tous sensibles à ces situations émouvantes. Cependant, si, devant des situations de ce type, humainement difficiles, où l'empathie est nécessaire, nous répondions toujours « oui », nous ne serions pas dans notre rôle de législateurs. Le législateur se doit certes de gérer des situations personnelles, le mieux ou le moins mal possible, mais en fixant un cadre qui s'appuie sur des fondements. Le fondement, c'est le consentement. Dès lors que le consentement ne peut être renouvelé, il devient d'une certaine façon caduc.
Vous cherchez à nous enfermer dans un dilemme cornélien : le choix de la vie – je suis d'ailleurs heureux de vous entendre parler du choix de la vie, nous en reparlerons à l'article 23 – ou de la liberté. Les choses ne sont pas aussi binaires que cela !
Au-delà des questions patrimoniales de succession, du deuil difficile, de la charge émotionnelle, du poids psychologique qui pourra peser sur l'enfant, je crois que l'élément déterminant, c'est que l'avis se limite à la vie. Dès lors qu'il n'y a plus la vie, que le consentement ne peut plus être modifié, alors, aussi dramatique que cela soit, il me semble qu'il faut revenir à la situation première et interdire le transfert d'embryons post mortem.
C'est également une manière de mettre le holà, car, cette première étape franchie, nous passerons obligatoirement, avec les mêmes arguments d'empathie et de générosité – que je partage car en face d'une personne en grande difficulté, on a envie de lui dire oui –, à l'insémination. Il ne s'agira plus seulement de transférer un embryon mais d'en créer un, tous les éléments pouvant être disponibles. Et vous répéterez au passage que nous sommes un peu ringards, que nous n'allons jamais dans le sens de l'humanisme, du progrès.
En conclusion, je répète que ce débat n'est pas de la même nature que d'autres, comme celui que nous aurons à l'article 23. C'est sans doute ce qui explique de grandes différences entre nous, et c'est très bien ainsi.