Je souhaite livrer quelques éléments de réflexion. J'ai l'impression que nous avons adopté le mécanisme de défense psychotique que l'on appelle le déni : après le déni de la différence des sexes, le déni de la mort.
La sexualité est intimement liée à la mort : Éros et Thanatos se livrent à un jeu de va-et-vient permanent, car la sexualité vise à accélérer les recombinaisons génétiques et l'évolution d'espèces complexes telle la nôtre.
Cela étant, l'homme, être doué de pensée, est naturellement animé d'un désir d'immortalité bien compréhensible. Avec cet article, nous sommes au coeur de ce fantasme d'immortalité. Nous légiférons sur la possibilité de faire des enfants de réparation, et non des êtres humains conçus d'emblée pour ce qu'ils sont, doués d'un potentiel de développement fondé sur cette double dualité : celle de la vie et de la mort, d'une part ; celle des sexes dans l'espèce humaine, d'autre part.
Il sera très difficile, pour un enfant ainsi conçu, de porter toute sa vie le poids de la mort du père et d'être à jamais un enfant de réparation. Nous connaissons des cas cliniques dans lesquels un enfant à qui on a donné le prénom d'un autre enfant disparu se sent toute sa vie coupable d'être vivant après la mort de son frère ou de sa soeur.
Nous touchons donc à des interdits extrêmement profonds. Cet article nous incite à une réflexion fondamentale sur la mort et la vie. Nous ne sommes pas là pour réparer les accidents de la vie, pour faire un travail de deuil qui demande du temps – même si le deuil n'est pas une question de durée, même s'il est des deuils dont on ne se console jamais.
Mon expérience professionnelle et mon éthique me conduisent à m'opposer formellement à cet article, qui, à mes yeux, brise des tabous et enfreint des interdits structurants pour les êtres humains que nous sommes.