Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collèges, la bioéthique en tant que discipline reconnue a émergé au xxe siècle du fait de l'importance des progrès biologiques et partant des questions soulevées par les possibilités nouvelles.
Cependant, la réflexion bioéthique existe depuis que l'homme réfléchit, qu'il se penche sur la justification de ses choix. En particulier, la réflexion bioéthique est consubstantielle à l'activité scientifique des chercheurs.
Mais les choix éthiques ne doivent pas, ne peuvent pas relever seulement des chercheurs. Toutes les composantes de la société y ont nécessairement leur part.
De la même façon, la réflexion bioéthique ne se limite pas à un seul moment précis, cette année, et à un seul lieu, notre pays.
Comme pour la Déclaration des droits de l'homme, il y a une ambition future de davantage d'universalité. Même si l'on ne doit pas suivre les recommandations éthiques d'autres pays, il serait déraisonnable de les ignorer, de les méconnaître. Ainsi, si nous pouvons récuser aujourd'hui la GPA en France, nous ne pouvons pas nous exonérer du fait que de nombreux couples de Français infertiles obtiennent la pratique de la GPA dans les divers pays où elle est considérée positivement sur le plan éthique et juridique. Dès lors, nous devons définir le statut de ces enfants des familles françaises.
Quant à l'analyse historique et aux leçons tirées de l'expérience acquise, nous ne pouvons pas ignorer que les interdits primaires opposés au progrès des connaissances ont toujours été voués à l'échec. Oui, il faut admettre que la terre tourne autour du soleil, même si la réhabilitation de Galilée a attendu jusqu'à 1992. Non, la chirurgie ne peut pas être interdite sous le prétexte qu'elle serait cruelle. L'opposition à l'autopsie n'a fait que retarder les connaissances et les traitements de la médecine occidentale. Dans le futur, une attitude de déni comparable serait jugée encore plus sévèrement, car nous ne pourrons plus dire que nous ne savions pas, que nous n'avions pas d'expérience.
Face aux incertitudes qui habitent logiquement chacun de nous, l'on peut être tenté de se tourner vers les croyances, les vérités préétablies, les prêts à penser. Je vous propose plutôt de démontrer notre foi en l'homme, en son intelligence, en sa capacité de réfléchir et de décider en toute indépendance. C'est être humaniste que de penser au rôle majeur que doit tenir l'homme dans la définition de son destin, de sa dignité.
Aujourd'hui, deux grandes questions alimentent nos discussions : la recherche sur les cellules souches et les embryons surnuméraires soumis à destruction d'une part, les modalités du diagnostic prénatal ou préimplantatoire d'autre part.
Il semble que les adeptes du refus de la recherche sur les cellules souches ne disposent guère d'arguments convaincants puisqu'ils sont obligés d'aligner toute une série de mensonges dont Jean-Yves Le Déaut a dressé la liste tout à l'heure. J'en rappellerai quelques-uns.
Premièrement, la recherche sur l'embryon entraînerait sa destruction. C'est faux puisqu'une recherche puisqu'une recherche peut être faite en maintenant l'embryon en possibilité de vie. De plus, quand on prend des cellules sur un embryon sorti d'un congélateur, c'est parce qu'il est déjà dans ce que l'on pourrait qualifier un état de mort clinique puisqu'il n'y a pas de projet parental.
Deuxièmement, ce serait conférer à l'embryon une dignité que de ne pas l'inclure dans la chaîne de la recherche. Au contraire, la dignité impose pour tout être humain, de sa conception jusqu'au-delà de la mort, de pouvoir être l'objet d'observations et de recherches dans des conditions encadrées.
Pourquoi, si l'on peut faire de la recherche sur le foetus, n'aurait-on pas le droit de le faire sur l'embryon, auquel cas on ne signifierait pas à l'embryon sa dignité humaine comparable ?
Troisièmement, il y aurait d'autres variétés de cellules souches que l'on pourrait substituer aux cellules souches embryonnaires. C'est faux, cela n'a bien évidemment rien à voir. Il y a autant de différences entre une cellule souche embryonnaire et une cellule souche du sang du cordon ou une cellule souche reprogrammée qu'il y a de différences entre un nouveau-né et un vieillard. Les caractéristiques de différenciation de prolifération sont diamétralement opposées.
Quatrièmement, l'interdit qui pèse sur la recherche dans notre pays n'aurait, soi-disant, pas gêné les chercheurs. C'est faux. En effet, toutes les personnes concernées saluent les difficultés et soulignent le retard de la France dans ce domaine. Plusieurs chercheurs se sont expatriés pour pouvoir prolonger leurs recherches quand ils n'ont pas évolué vers d'autres variétés de recherches. Cette interdiction a donc provoqué d'immenses difficultés malgré les dérogations occasionnelles susceptibles d'être accordées.
Tous les chercheurs – mensonge supplémentaire – considéreraient qu'un refus assorti de dérogations reviendrait au même qu'une autorisation encadrée. C'est bien sûr totalement faux : accorder une autorisation constitue un encouragement alors qu'opposer un refus, fût-ce avec dérogation, représente un moyen de dissuasion.
Je ne prolongerai pas cette liste de mensonges qui sont autant d'entraves à la possibilité d'accorder une autorisation.