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Intervention de Guy Lefrand

Réunion du 23 mai 2011 à 18h00
Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Lefrand, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Mais nous savons tous qu'avec ce texte, nous avons une réelle opportunité de rénover la loi de 1990, texte de base voté par la gauche, et de faire avancer un sujet qui, quelle que soit la manière dont il sera abordé, quel que soit le texte dans lequel il sera traité, fera malheureusement, de toute façon, l'objet de controverses.

C'est pourquoi j'ai voulu, pour ma part, aborder ce projet de loi de manière dépassionnée et objective. J'ai souhaité l'améliorer et dialoguer avec l'opposition – dialogue que nous avons mené dans un esprit constamment constructif. Nous avons aussi dialogué avec le Sénat sur son contenu, et je crois qu'en dépit des péripéties qui ont pu affecter l'examen du texte au Palais du Luxembourg, il y a été nettement amélioré.

Sur les aspects fondamentaux du texte – d'une part, l'instauration d'un contrôle automatique des mesures de soins par le juge des libertés et de la détention, et, d'autre part, la dissociation entre l'obligation de se soigner et les modalités de soin elles-mêmes –, le projet de loi, déjà amélioré à l'Assemblée nationale en première lecture, a été enrichi de nouvelles dispositions, non seulement par le Sénat mais également par notre commission des affaires sociales en seconde lecture.

Ainsi, il convient de souligner que, sur proposition de sa commission des lois, le Sénat a introduit plusieurs dispositions – rappelées par Mme la secrétaire d'État – relatives à l'organisation des audiences devant le juge des libertés et de la détention et encadrant le recours à la visioconférence, qui me paraissent constituer des avancées importantes.

De plus, sur proposition de sénateurs de tous les bancs, plusieurs amendements ont été adoptés fixant à dix ans le délai permettant d'appliquer le droit à l'oubli. Le préfet n'aura donc pas connaissance des antécédents psychiatriques des personnes qu'il fera admettre en soins – hospitalisation d'office suite à une déclaration d'irresponsabilité pénale ou séjour en UMD –, sauf uniquement s'il envisage de modifier la prise en charge ou de lever la mesure de soins, ce qui achève d'anéantir le phantasme du casier psychiatrique, propagé par certains.

Toujours à l'initiative de la commission des lois, le Sénat a opté en faveur d'une unification du contentieux des soins psychiatriques sous contrainte devant les juridictions de l'ordre judiciaire afin de mieux garantir le droit au recours des personnes faisant l'objet de ces soins. Cette mesure entrera en vigueur au 1er janvier 2013.

Enfin, s'agissant de la portée du contrôle du juge, le Sénat propose que celui-ci puisse assortir sa décision de mainlevée de l'hospitalisation complète d'une prise d'effet différée de vingt-quatre heures, pendant lesquelles un programme de soins pourra être établi. Ce dispositif, reconnaissons-le, apparaît préférable à celui adopté à l'Assemblée nationale en première lecture, car c'est au juge qu'il reviendra de prendre la décision de rendre ou non possible une passerelle entre soins en hospitalisation complète et soins sous une autre forme, une fois qu'il aura prononcé la mainlevée.

Dans la lignée de ces dispositions, notre commission a précisé qu'une fois prononcée la mainlevée de l'hospitalisation complète, en l'absence de prise d'effet différée, les soins ambulatoires sans consentement ne pourront se poursuivre que dans le cas où la mainlevée aurait été acquise sans que le juge n'ait statué au fond. Par ailleurs, et nous l'avons voté à l'unanimité, afin de renforcer la possibilité de passer des soins sans consentement aux soins libres, une passerelle a été explicitement prévue dans le texte.

Le projet de loi se plaçant essentiellement sur un plan juridique, il prévoit certes que lorsque les conditions ayant présidé à l'admission en soins sans consentement ne sont plus réunies, la mesure de soins est levée, mais il ne dit rien de ce qu'il advient des soins eux-mêmes. C'est pourquoi il convient de prévoir que leur continuité est assurée en proposant au patient, autant que de besoin, une prise en charge adaptée sous forme de soins libres. S'agissant toujours de continuité des soins, la commission a prévu que les personnes prises en charge dans un service d'urgence et susceptibles d'être admises en soins psychiatriques sans consentement soient transférées vers un établissement psychiatrique dans un délai maximal de quarante-huit heures, mais que la période initiale d'observation et de soins commence dès le début de la prise en charge afin de ne pas allonger la durée précédant l'obtention des certificats.

Enfin, la commission a souhaité mieux définir ce que recouvre la mission de service public de prise en charge des personnes en soins psychiatriques sans consentement, et expliciter son organisation au niveau territorial afin de mieux l'articuler avec l'organisation actuelle des secteurs psychiatriques.

Je le disais en préambule, mers chers collègues, le Sénat s'est longuement interrogé sur la notion de soins sans consentement sous une autre forme que l'hospitalisation complète, arrivant plus ou moins à la conclusion que ces soins ne pouvaient être réellement prodigués sans le consentement de la personne malade ou, à tout le moins, que l'incapacité à consentir devait être mise en exergue. À cet effet, il a eu recours à une périphrase définissant les soins comme « ceux auxquels le malade n'est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux », substituant aux modalités de soins les lieux de soins. Les efforts déployés par les sénateurs pour essayer de résoudre ce qu'ils considéraient comme une contradiction sont à souligner. Malheureusement, le résultat auquel ils ont abouti n'est pas apparu réellement satisfaisant à notre commission, qui a le plus souvent cherché à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. Après avoir recherché une solution de compromis pour donner suite à la proposition du Sénat de définir les soins autour de la notion d'incapacité du patient à consentir – solution qui nécessitait, pour être complètement cohérente, d'introduire un tel critère dans l'hospitalisation d'office –, nous n'avons pas poursuivi dans cette voie. C'est pourquoi je vous proposerai de procéder à des modifications, certes formelles, du texte, mais qui n'en constituent pas moins une évolution significative de sa rédaction, par le biais d'amendements. Ceux-ci visent à supprimer les références à l'absence de consentement au sein du texte, et en premier lieu dans la formulation même de « soins sans consentement », qui revient à de nombreuses reprises dans la loi sans que cela soit réellement nécessaire.

Ainsi, mes chers collègues, sous réserve de l'adoption des amendements que je défendrai au nom de la commission des affaires sociales, je vous propose de bien vouloir apporter votre soutien à ce projet de loi dans sa rédaction actuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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