Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons à la dernière lecture de la proposition de loi sur le prix unique du livre numérique. Les précédents orateurs ont rappelé à juste titre que nous poursuivions en fait le travail engagé il y a presque trente ans avec la loi Lang et que nous adaptions finalement celle-ci à la révolution numérique en cours. Il revient aux législateurs que nous sommes d'adapter autant que de besoin le droit d'auteur, et les droits voisins, aux révolutions technologiques, dont internet n'est d'ailleurs pas la première.
Hormis la voix de Lionel Tardy, dont nous savons combien les convictions sont fortes et à quel point il sait les défendre, nous nous accordons ce soir à dire que nous sommes parvenus, avec le texte de la commission mixte paritaire, à un point d'équilibre satisfaisant, sur lequel la majorité et l'opposition ont pu s'entendre. Ce texte sera voté en termes identiques par le Sénat.
Puisque vous évoquez, monsieur le ministre, une réunion prochaine des ministres de la culture de l'Union européenne, vous allez bénéficier, grâce à ce texte, d'une légitimité offerte par la représentation parlementaire pour parler au nom de la France et défendre les dispositions de cette loi.
Nous avons effectué en commission mixte paritaire un travail constructif et utile, puisque notre groupe votera finalement, en dernière lecture, cette proposition de loi, alors qu'il s'était abstenu lors des deux précédentes lectures. Pourquoi cette évolution de notre position ? Un certain nombre d'arguments que nous avions développés ont été pris en compte, en particulier concernant l'article majeur de cette proposition de loi, l'article 3, dont l'objet est l'application du prix unique fixé par les éditeurs aux plateformes de distribution qu'elles soient établies en France ou à l'étranger. Ce point essentiel conduit la France à revendiquer, au nom de la diversité culturelle, ce que l'on appelle la clause d'extraterritorialité, absolument indispensable quand on sait que certaines plateformes étrangères, notamment Amazon, sont actuellement en position très hégémonique sur le marché naissant du livre numérique.
C'est au nom de cette même diversité culturelle que nous n'avons, au contraire, pas souhaité faire jouer la clause d'extraterritorialité à propos de l'article 2. Cela aurait bien inutilement sanctionné les éditeurs étrangers qui publient des livres en langue étrangère, ce qui n'est pas notre objectif.
De ce fait, nous sommes parvenus à un texte d'équilibre, qui a pris en compte toute la chaîne du livre : les éditeurs, que j'évoquais, les plateformes de distribution, les auteurs évidemment, car il n'y aurait pas de livres sans auteurs, c'est une banalité de le rappeler ici. En l'occurrence, le fait d'inscrire dans le code de la propriété intellectuelle la nécessité d'une rémunération « juste et équitable » permettra effectivement de rétribuer ces créateurs.
Nous aurions souhaité aller plus loin dans la modification du code de la propriété intellectuelle, mais nous n'avons pas voulu rompre un consensus quasi-unanime.
Nous vous donnons évidemment rendez-vous prochainement pour aller sans doute plus loin. Bruno Patino, à qui Mme Albanel avait confié une mission il y a deux ans, avait lui-même évoqué cette nécessaire modification du code de la propriété intellectuelle. Il faut absolument que la représentation parlementaire contribue à l'aboutissement prochain des négociations actuelles entre auteurs et éditeurs ; c'est une nécessité.
Nous n'avons pas non plus oublié les lecteurs. En effet, cette proposition de loi, qui sera bientôt une loi, arrive au bon moment : ce n'est pas une loi de retardement, une loi qui pourrait contrarier des usages qui se seraient répandus, au contraire d'autres lois auxquelles nous nous sommes opposés ; je pense évidemment à la loi DADVSI de 2006 et aux deux lois HADOPI de 2009. Les usages nouveaux des lecteurs sont pris en compte par cette proposition de loi, qui est donc une loi d'équilibre. Réjouissons-nous donc de ce rare moment d'unanimité au nom de la diversité culturelle et, aussi, de la défense de la francophonie, qui est à la fois défense de la culture et défense de la langue françaises.
Vous l'avez compris, le groupe socialiste, radical et citoyen votera cette bonne loi.