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Intervention de Christian Vanneste

Réunion du 17 mai 2011 à 15h00
Débat sur les autorités administratives indépendantes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Vanneste, co-rapporteur au nom du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques :

Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, je voudrais d'abord dire le plaisir que j'ai eu à travailler pendant à peu près un an avec mon collègue René Dosière, ce qui nous a permis de remettre, en octobre dernier, un rapport qui était le fruit d'un travail consensuel, puisque nous étions parvenus à des conclusions parfaitement communes.

En ce qui me concerne, je traiterai de deux sujets et laisserai ensuite René Dosière parler de deux autres afin de compléter mon propos.

Premier point : si l'existence des autorités administratives indépendantes n'est pas remise en cause, une rationalisation est absolument nécessaire. Les AAI sont reconnues dans le paysage administratif français. Finalement, leur but est tout simplement de mettre de l'huile dans les rouages, à la jonction entre l'administration et le Gouvernement, afin de faire en sorte qu'il y ait non pas une loi molle, mais une adaptation de la pratique issue de la loi et de la réglementation à la vie réelle des Français ou aux problèmes qui se posent en matière de vie économique.

Dans le fond, il y a deux grands types d'autorités administratives indépendantes : l'un qui se rapporte à la régulation, notamment celle des marchés en voie de privatisation, et l'autre, encore plus important, qui regroupe les autorités s'occupant des problèmes relevant de la défense des droits et des libertés.

En ce qui concerne la rationalisation, j'emploierai une image très simple : notre but a été de passer d'un jardin anglais, extrêmement riche et qui d'ailleurs s'enrichit chaque année, puisque l'on crée pratiquement une AAI par an et qu'il y en a maintenant plus de quarante, à un jardin à la française, c'est-à-dire un ensemble mieux organisé, plus rationnel et conforme à nos tendances cartésiennes.

Le Défenseur des droits, par exemple, regroupera le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Nous regrettons que cette dernière n'ait pas été, comme nous l'avions proposé, rapprochée du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, avec lequel existe un domaine commun : le secteur pénitentiaire et les personnels qu'il emploie.

Le rapport propose également de fusionner la Commission nationale de l'informatique et des libertés et la Commission d'accès aux documents administratifs en une seule autorité chargée du traitement des données personnelles, notamment sous forme électronique, ce que l'on observe de plus en plus souvent.

Du fait de la convergence des technologies numériques, un autre regroupement s'imposait à nos yeux entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet, chère à Jean Dionis du Séjour, qui interviendra tout à l'heure sur ce sujet. Cet ensemble correspondrait finalement à l'autorité administrative chargée des réseaux qui existe en Allemagne.

De même, un regroupement de la Commission de régulation de l'énergie et du Médiateur national de l'énergie paraissait tout à fait envisageable.

Une clause de revoyure tous les cinq ans permettrait, en outre, de s'assurer que les nombreuses autorités de régulation économique sont encore utiles. Je pense aux autorités sectorielles dotées d'une compétence horizontale, comme l'Autorité de régulation des activités ferroviaires ou l'Autorité de régulation des jeux en ligne, que nous venons de créer, en lien avec l'Autorité de la concurrence. Ces autorités, chargées d'un marché en mutation, peuvent évidemment cesser d'exister lorsque nous sommes parvenus à un équilibre de fonctionnement.

Je pense également aux nombreuses agences sanitaires ; l'actualité a malheureusement mis en lumière ce secteur. Dix sont référencées sur le site internet du ministère outre la Haute autorité de santé – la seule à avoir le statut d'AAI. L'affaire du Mediator montre que multiplication – il doit y avoir en tout vingt-quatre agences, ce qui est beaucoup – ne rime pas avec efficacité.

Nous nous félicitons que la commission des affaires sociales se soit saisie du sujet, à notre instigation, avec la création d'une mission d'information, sous la présidence d'Yves Bur, dont les conclusions sont prévues pour la fin du mois de juin prochain.

En dehors de ces regroupements fonctionnels, des regroupements géographiques sont également nécessaires pour des autorités intervenant dans des domaines proches. Par exemple, une « Maison des droits et libertés » pourrait rassembler les services du Défenseur des droits et ceux des actuelles CNIL et CADA. Il sera ainsi possible, en mutualisant les fonctions soutien, de générer des économies. D'autres AAI méritent purement et simplement d'être supprimées ; je pense, par exemple, à la Commission des participations et des transferts.

Nous proposons également, c'est mon second point, de renforcer les liens entre les AAI et les assemblées. C'est là le message le plus important de notre rapport, sur lequel reviendra abondamment René Dosière. L'idée est que, étant donné le rôle des AAI, il faut bien mesurer à la fois leur pouvoir, c'est-à-dire ce sur quoi elles interviennent, et leur légitimité. Or nous pensons que la véritable légitimité des AAI doit être fondée sur un accroissement du rôle du Parlement, ce qui est doublement légitime, puisque c'est précisément l'esprit de la réforme de 2008, qui voulait à la fois renforcer le rôle du Parlement et donner naissance au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques.

Le contrôle du Parlement, mais aussi l'autorité des AAI, en sortiraient bien sûr renforcés. Le mode de désignation des présidents des AAI pourrait être inversé : au lieu d'une nomination par le Président de la République, c'est-à-dire par l'exécutif, sous réserve d'un veto à la majorité des trois cinquièmes des commissions parlementaires, ce sont ces dernières qui, comme dans plusieurs autres grands pays, pourraient désigner les dirigeants des AAI à la majorité positive des trois cinquièmes. On comprend très bien, en effet, qu'un veto aux trois cinquièmes permet à un candidat appuyé par le chef de l'exécutif et par la majorité qui le soutient d'être désigné. Nous demandons quant à nous une majorité positive des trois cinquièmes, avec pour conséquence que la personne désignée bénéficiera forcément d'un consensus au-dessus des partis, ce qui me semblerait une excellente chose.

À l'heure actuelle, faute de procéder du suffrage universel, ces autorités ne sont pas véritablement indépendantes du pouvoir exécutif. Certes, leur autonomie de gestion est d'ores et déjà assurée, mais un rôle accru du Parlement dans le processus de désignation de leurs présidents leur conférerait davantage de légitimité.

Il convient maintenant que je laisse la parole à René Dosière pour qu'il aborde les autres questions. Encore un mot, toutefois, sur notre souhait de ne plus voir siéger les parlementaires au sein des AAI, notamment en raison de leur peu de disponibilité, mais aussi du fait qu'elles doivent être à la fois contrôlées par le Parlement et indépendantes. C'est presque un oxymore, et c'est en tout cas un souhait difficile à réaliser, mais c'est bien l'objectif que nous poursuivons.

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