Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'issue de l'examen en séance publique de la proposition de loi de Jérôme Bignon portant diverses dispositions d'ordre cynégétique, nous devons reconnaître quelques mérites à ce texte.
Tout d'abord, il vise à réduire la cristallisation de l'opposition entre chasseurs et protecteurs et à sublimer les conflits de légitimité, comme l'a rappelé notre rapporteur. C'est pourquoi nous acceptons comme un signe positif, qu'il faut leur adresser, le rôle que reconnaît maintenant la loi aux chasseurs en matière de conservation de la biodiversité afin que, demain, ils considèrent cet objectif comme une orientation prioritaire de leur action. Nous pensons également qu'il n'est pas inutile de préciser que les fédérations portent des actions d'information et d'éducation, dans une logique de développement durable, en matière de préservation de la faune sauvage et de ses habitats.
Le texte vise aussi à assurer un meilleur renouvellement des générations de chasseurs. En effet, la diminution continue et régulière du nombre de chasseurs – ils étaient 2,4 millions en 1974 pour 1,2 million aujourd'hui – est un grand sujet d'inquiétude, car, nous le savons bien, cette diminution se traduit par un renchérissement du coût pour chaque pratiquant, un équilibre agro-sylvo-cynégétique plus difficile a atteindre, mais aussi le risque de voir se développer une chasse administrée. C'est à un véritable défi que les fédérations doivent aujourd'hui faire face. Vos propositions ayant pour but de favoriser l'arrivée au sein des ACCA de nouveaux adhérents – propositions dont la portée a été réduite par certains membres de la majorité – recueillent, bien entendu, notre soutien.
Enfin, le texte permet d'engager la responsabilité financière, pour la prise en charge des frais liés à l'indemnisation des dégâts de gibier, du détenteur du droit de chasse d'un territoire ne procédant pas ou ne faisant pas procéder à la régulation des espèces présentes sur son fonds, perturbant ainsi fortement l'équilibre autour de ce territoire.
À l'occasion de l'examen de ce texte, nous devons dénoncer le souci permanent de nombreux parlementaires, très proches des milieux de la chasse, de faire inscrire dans la loi des dispositions de nature réglementaire, qui ne peuvent être ensuite modifiées que par une autre loi. À nouveau, certains parlementaires se sont fait les porte-parole des chasseurs les plus extrémistes, en profitant du véhicule législatif constitué par cette proposition de loi pour déposer des amendements peu soucieux de l'intérêt général. Je pense à la chasse par temps de neige, à la banalisation de la chasse au coeur même des parcs nationaux, à l'éjointage des appelants, à l'intégration de la bernache du Canada et de l'ouette d'Égypte dans la liste des espèces de gibier chassable, mais aussi à l'extension de la chasse de nuit à plusieurs cantons du département de la Vendée.
Face à cette offensive, nous avons su, avec le concours actif de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable, éviter le pire. En effet, tous ces amendements furent retirés ou repoussés, notamment celui sur la chasse de nuit en Vendée, une chasse qui ne peut être considérée comme traditionnelle dans ce département. Une enquête réalisée en juillet 1999 sur la pratique illégale de la chasse de nuit du gibier d'eau indique que l'on ne pratique pas la chasse de nuit en Vendée, mais la chasse à la passée, une chasse autorisée conformément aux dispositions de l'article L. 424-4 du code de l'environnement. De plus, il est à noter que la Commission européenne aurait pu trouver contestable le fait d'étendre les chasses traditionnelles en France alors qu'elle souhaite les voir limitées et que l'esprit de la loi de 2000, qui a légalisé cette pratique, était de figer la situation.
Il est une autre disposition de cette proposition de loi que nous ne pouvions accepter, celle prévoyant d'étendre les pouvoirs des gardes-chasse particuliers en leur donnant, en matière de relèvement d'infractions, des pouvoirs équivalents à ceux octroyés aux officiers de police judiciaire de l'ONCFS et de l'ONEMA. Ils auraient ainsi été autorisés à saisir des armes et des véhicules, voire à appréhender les contrevenants. De plus, ne relevant pas de l'autorité d'une personne publique, ils ne peuvent se voir déléguer une mission régalienne.
Puisque ce texte reconnaît le rôle de la chasse comme instrument de gestion de la biodiversité, nous devons aussi nous interroger sur un phénomène lié à la pratique de la chasse qui tend de plus en plus à se développer, celui de la construction de clôtures autour de grandes propriétés privées. En effet, dans certaines régions, toutes les propriétés qui ne sont pas clôturées le deviennent par voisinage de celles qui le sont. Au-delà des problèmes de consanguinité que créent ces constructions, il est à craindre que demain, compte tenu de ces entraves érigées pour la pratique d'une certaine chasse, nous nous trouvions dans l'impossibilité de formaliser l'élaboration de la trame verte et bleue, outil majeur de préservation de la biodiversité.
En ce qui nous concerne, nous nous sommes toujours situés dans le camp des progressistes pragmatiques, favorables au développement d'une chasse durable, respectueuse des autres utilisateurs de la nature, des écosystèmes et de la diversité biologique, et qui puisse être pratiquée par le plus grand nombre.
Dans sa grande sagesse, l'Assemblée nationale a su donner à ce texte l'acceptabilité qui nous conduira, mes chers collègues, à le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)