Dans le transport maritime au profit de la défense, le coeur de métier est assuré, en particulier pour les opérations amphibies, par les navires de projection, les bâtiments de projection et de commandement (BPC) et les transports de chalands de débarquement (TCD). Les navires de transport ne sont pas considérés comme relevant du coeur de métier, et leur emploi exclut le fait qu'ils soient employés dans des opérations de vive force, en particulier en appui direct d'une opération amphibie.
Cela nous a conduits à ne pas choisir le pavillon français de premier rang, mais à spécifier le pavillon français du registre international (RIF), pour mettre malgré tout la marque française sur ces navires. Quand on sait qu'un navire RIF coûte 2 500 euros par jour de plus qu'un navire sous pavillon maltais, dans une période où on nous demande de « faire rentrer la bosse dans les entonnoirs », on comprend que chaque caractéristique militaire de ces navires a été pesée au regard du juste besoin opérationnel.
Le choix d'un pavillon RIF signifie, d'une part, que les officiers sont français et sont des employés directs de l'armateur, d'autre part, que les armateurs ont recours à des sociétés de manning, chargées de fournir les équipages d'exécution. Historiquement, nous n'avons jamais eu de cas de refus, même quand nous naviguions sous des pavillons autres que celui du RIF. Mais il faut savoir que si nous avions choisi, comme les Britanniques l'ont fait pour le programme équivalent, de pouvoir engager ces navires dans des opérations de force, nous n'aurions pas utilisé ce pavillon. Nous aurions accepté les surcoûts liés à la capacité opérationnelle.
Venons-en aux restrictions géographiques, liées au danger. Les limitations ne viennent pas de l'équipage, mais des assureurs. Dans le monde des assurances maritimes, le Joint war commitee décide des zones où l'on peut aller au tarif de droit commun, des zones où on peut aller à condition de payer des surprimes, et des zones dans lesquelles les assureurs refusent de prendre le risque.
Ainsi, dans le prix de base du loyer des navires, nous devons tenir compte de l'assurance « risque de guerre » classique. Lorsque nous allons dans des zones à surprimes, nous acceptons le remboursement des surprimes, qui sont payées tant aux assurances qu'à l'équipage, dans la mesure où il a accepté d'aller dans des zones plus dangereuses que les zones ordinaires. La situation est la même qu'avec Sodexo, qui nous fournit la nourriture en Afghanistan. Le cuisinier sur une base avancée ne coûte pas autant qu'à la Garenne-Bezons ! Enfin, au cas où les assurances refusent de prendre en charge la couverture du risque, l'État se substitue à l'assureur. Nous n'avions pas d'autre solution.
Évidemment, nous acceptons le droit de retrait et le droit de grève, parce que l'on travaille dans un milieu civil et qu'on ne peut pas s'affranchir de ses règles. Ces risques sont inévitables. Simplement, nous essayons de les gérer au mieux. Et une fois sur cent ou sur mille, nous devrons traiter le problème sur un mode exceptionnel.
Le sujet nous a bien occupés, avant que l'on aboutisse à ce consensus. Il se trouve que la substitution des assureurs existe dans un programme OTAN, qui date des années 70.