M. Giscard d'Estaing se demande pourquoi les exonérations de cotisations patronales contribuent de façon significative à la réduction des inégalités. C'est que les cotisations, patronales ou salariales, sont considérées dans ce rapport comme faisant partie de la rémunération des salariés. Si vous exonérez de cotisation des salariés entre 1 et 1,6 fois le SMIC, cela revient aux ménages qui appartiennent au même décile. Cela ne veut pas dire que le salaire net de ces salariés a augmenté : l'effet majeur de ces exonérations est davantage de maintenir ou de créer des emplois – mais pour l'essentiel des emplois de même nature, ou plus exactement de même revenu. C'est le raisonnement de notre scénario 1.
Nous avons aussi considéré d'autres hypothèses d'imputation de ces exonérations – qui se montent tout de même à 30 milliards d'euros. Ainsi, lorsqu'une partie des exonérations va aux ménages par le biais de baisses de prix, elles sont à peu près également réparties. Lorsque la plus grande part va à l'augmentation de la marge des entreprises, et donc de leur rentabilité, cela se traduit par une hausse du revenu des ménages qui possèdent ces entreprises, qui font plutôt partie de la partie haute de la distribution. Bref, ces hypothèses permettent de nuancer le diagnostic : il y a bien dans tous les cas une augmentation de la progressivité sur la période, mais qui peut être beaucoup plus limitée et ne concerner qu'une fraction plus réduite de la distribution. Elle s'arrête au septième décile : le taux d'effort redevient plus faible pour les déciles supérieurs, particulièrement le dernier.
Enfin, la forme optimale des taux d'imposition est une question importante. Le chapitre 4 de la première partie y est consacré, ainsi que l'annexe 2 sur la fiscalité optimale. Beaucoup de recherches économiques ont été faites sur le sujet. Au début, il y a une quinzaine d'années, le sentiment partagé était qu'un taux marginal constant, donc proportionnel, se rapprochait de l'optimum. Les travaux plus récents aboutissent à une courbe en U, avec des taux marginaux plus élevés au début de la distribution, puis qui baissent, puis qui remontent – c'est expliqué dans l'annexe 2. De nombreux travaux ont été conduits sur le sujet. Le prix Nobel James Mirrlees a notamment procédé à une revue en profondeur de l'ensemble des prélèvements et systèmes sociaux britanniques, notamment du point de vue des effets des taux marginaux d'imposition sur l'efficacité économique.