Je me réjouis de voir qu'à votre initiative, M. le Président, la commission des Lois s'est saisie du rapport du CEC relatif aux autorités administratives indépendantes, présenté par M. Christian Vanneste et moi-même. Pour l'instant, notre commission est d'ailleurs la seule à donner suite à ces travaux du CEC. Sur le fond, il ne faudrait cependant pas que le rapport d'information de la commission des Lois apparaisse comme un « enterrement » des propositions du Comité.
Si les recommandations du CEC sur les AAI sont diverses et d'inégale d'ampleur, un fil directeur les unit : il s'agit de redonner au Parlement toute sa place. De ce point de vue, la question centrale est celle de la nomination des AAI, en tout cas des plus importantes d'entre elles. Notre rapport préconise une désignation de leur président à la majorité des trois cinquièmes des membres des commissions compétentes des deux assemblées. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 ne va pas suffisamment loin en ce sens, se contentant d'une nomination par le Président de la République, soumise à un possible veto – très théorique ! – des commissions parlementaires. Or, seule une nomination par une majorité « positive » du Parlement est à même d'assurer aux présidents d'AAI une réelle légitimité et une indépendance suffisante. En effet, tout en étant l'élu de la nation, le Président de la République ne permet pas de représenter la diversité du peuple français, à la différence du Parlement, qui comporte une majorité et une opposition. Les expériences étrangères, présentées dans le rapport du CEC, plaident également dans le sens d'un renforcement de la place du Parlement dans la nomination des membres des AAI.
Un tel mécanisme de nomination pourrait par exemple être retenu pour une future autorité compétente en matière de surveillance de la vie politique, domaine non couvert par la révision constitutionnelle de 2008. Dans notre rapport, nous préconisons la création d'une Haute autorité regroupant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l'élection du Président de la République, la Commission des sondages et la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Ce nouvel organisme pourrait également assurer les fonctions qu'il est désormais envisagé de confier à une future autorité compétente en matière de déontologie et de prévention des conflits d'intérêts.
Si l'on peut comprendre que certains hauts magistrats à la tête d'AAI ne soient pas favorables à une évolution des conditions de nomination, il reste que leur pouvoir trouverait une source plus légitime dans une nomination par le Parlement. Par exemple, si de telles modalités de nomination étaient déjà en vigueur, nous n'aurions pas eu à attendre dix années pour que les préconisations en matière de droit électoral formulées par la Commission pour la transparence financière de la vie politique trouvent une traduction législative.
J'ajoute enfin que, contrairement à ce qu'a pu laisser entendre le rapporteur, la loi organique du 29 mars 2011 sur le Défenseur des droits ne saurait être présentée comme une « application » du rapport du CEC. La preuve en est que ni Christian Vanneste ni moi-même n'avons voté ce texte. Alors que nous proposions de renforcer l'indépendance des AAI, cette loi organique aboutit au résultat inverse : fusionnées au sein du nouveau Défenseur des droits, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) et la Commission nationale de la déontologie de la sécurité (CNDS) perdent d'autant plus en indépendance que les adjoints du Défenseur chargés de leur domaine de compétence respectif seront nommés sans aucune intervention du Parlement. La réforme instituant le Défenseur des droits constitue donc, non une application du rapport du CEC, mais un recul par rapport à celui-ci.