Le 26 avril dernier, le Sénat a examiné en deuxième lecture cette proposition de loi que notre Assemblée avait modifiée le 25 janvier. Au total, plus de trois ans se sont écoulés depuis le dépôt du texte par les sénateurs Philippe Marini et Yann Gaillard.
L'objectif est de transposer aux ventes volontaires de meubles aux enchères publiques les prescriptions de la directive « services » du 12 décembre 2006 et de moderniser les conditions d'activité des acteurs de ce secteur, afin qu'ils puissent rivaliser plus efficacement avec leurs concurrents anglo-saxons.
L'adoption de ce texte est d'autant plus urgente que les résultats de l'exercice 2010 ne sont guère positifs : le montant global des adjudications réalisées en France a diminué de 2,8 % par rapport à 2009. Depuis 2005, le montant global des ventes aux enchères publiques oscille entre 2 et 2,3 milliards d'euros. Les cessions de biens à forte valeur ajoutée ont régressé de 6,4 % pour l'art et les objets de collection, et de 4,2 % pour les chevaux, alors que les ventes de biens traditionnellement porteurs en période de crise – pour l'essentiel des véhicules d'occasion et industriels – ont augmenté de 2 %.
Le classement des principales sociétés de ventes volontaires est également révélateur : dans le domaine de l'art et des objets de collection, les sociétés les plus importantes sont aujourd'hui des filiales de Sotheby's et de Christie's. Les premières entités proprement nationales opèrent plutôt dans le secteur des véhicules d'occasion et du matériel industriel : seule la société Artcurial est en mesure de rivaliser avec les majors anglo-saxonnes dans le domaine des ventes d'oeuvres d'art et d'objets de collection.
Outre l'impératif de donner des armes aux acteurs nationaux pour rivaliser avec leurs concurrents, la préservation de l'activité de ventes aux enchères publiques constitue un enjeu social. Les sociétés de ventes volontaires emploient, en effet, 2 210 personnes dans notre pays, soit 7,2 % de plus qu'en 2009.
Pour toutes ces raisons, il est bienvenu d'inscrire aussi rapidement que possible ce texte à l'ordre du jour de notre Assemblée.
Sur le fond, je rappellerai que nous nous étions évertués, en première lecture, à apporter des assouplissements au régime juridique en vigueur afin de restaurer l'attractivité de la place de Paris et de tirer les conséquences de « l'affaire Drouot ». Nous avions, en outre, décidé de revenir à une codification plus conforme au droit actuel du statut des courtiers de marchandises assermentés en supprimant des restrictions qui nous semblaient inutiles. Nous avions aussi procédé à des ajouts à l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des commissaires-priseurs judiciaires pour moderniser les conditions d'exercice de leur activité et clarifier leur statut.
En deuxième lecture, le Sénat n'a pas contesté le bien-fondé de l'essentiel de ces modifications, puisqu'il a adopté 26 articles conformes et accepté la suppression d'un autre. À ce jour, 39 articles ont été votés dans les mêmes termes ; 11 restent en discussion.
Bien qu'elles soient parcimonieuses sur la forme, les modifications apportées par les sénateurs n'en ont pas moins une réelle portée sur le fond et elles s'écartent parfois assez notablement de la position adoptée par notre Assemblée.
Ce n'est pas pour me déplaire dans certains cas puisque le Sénat a repris quelques amendements que nous avions adoptés en Commission avant que le Gouvernement ne les fasse écarter en séance publique. Il s'agit en particulier de la désignation par les ministres concernés de professionnels en exercice au sein du conseil des ventes volontaires. Je pense que nous pouvons parvenir à un accord sur ce point, sous réserve de lever l'ambiguïté qui pourrait résulter du choix de l'article auquel est rattachée la règle de déport qui s'appliquera à ces membres en activité. Je vous proposerai d'y remédier par voie d'amendement. Il me semble que le Gouvernement pourra alors se rallier au choix qui était initialement le nôtre et qui a été validé par le Sénat.
Sur d'autres aspects, le Sénat a procédé à des modifications qui me semblent moins justifiées.
La première concerne l'activité de ventes volontaires aux enchères publiques des notaires et huissiers de justice : le Sénat a rétabli le plafonnement du chiffre d'affaires réalisé par ces acteurs que notre Assemblée avait unanimement rejeté. Certaines études d'huissiers de justice réalisent effectivement une activité significative dans ce domaine, mais ces cas de figure demeurent marginaux et peuvent être réglés dans le cadre d'inspections diligentées par la Chancellerie. Il n'est donc pas certain que la disposition prévue soit justifiée et adaptée. Je vous proposerai par conséquent d'en revenir au texte que nous avions adopté.
Une seconde divergence substantielle tient au rétablissement de l'article 36 bis, que le Sénat présente comme une mesure de précision, alors qu'elle pourrait être, en réalité, une source de confusion. Là encore, je vous proposerai d'en revenir à la rédaction que nous avions adoptée. Au demeurant, le groupe SRC a déposé un amendement identique au mien.
Une troisième source de désaccord est l'élargissement, à l'article 42, des activités complémentaires réalisées par les sociétés dans lesquelles interviennent des commissaires-priseurs judiciaires. Cette disposition, qui ouvre de façon notable mais imprécise l'éventail des activités économiques autorisées, est d'autant plus paradoxale que le texte enlève aux courtiers de marchandises assermentés leur statut d'officier public pour des raisons d'incompatibilité entre l'exercice de l'autorité publique et une activité à but lucratif, alors que les commissaires-priseurs judiciaires conservent ce statut. La mesure risquerait, en outre, de fragiliser cette profession au plan communautaire
En dernier lieu, le Sénat a rétabli, à l'article 45, une mesure restreignant l'activité des courtiers de marchandises assermentés en matière de ventes judiciaires au détail. Je vous proposerai d'en revenir à la position consensuelle et plus équilibrée que nous avions adoptée.
Sous ces réserves, je vous propose d'adopter le texte. Il nous restera ensuite à trouver un accord avec nos collègues du Sénat à l'occasion d'une commission mixte paritaire.