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Intervention de Pascal Terrasse

Réunion du 10 mai 2011 à 21h30
Interdiction de la fracturation hydraulique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Terrasse :

Monsieur le président, je profite de l'intervention de Christian Jacob pour l'inviter à lire l'ensemble du rapport, notamment la page 65, où il apparaît qu'au nom du groupe socialiste j'ai émis les plus grandes réserves sur l'article 2.

Madame la ministre, depuis plusieurs mois, la mobilisation citoyenne sur la question des risques liés à l'exploration et à l'exploitation des gaz de schiste ne faiblit pas. On l'a vu encore aujourd'hui. Notre premier devoir en tant que législateurs – vous me rejoindrez au moins sur ce point – est évidemment de prendre en compte cette indignation et cette forte inquiétude. Mais il est aussi de notre devoir de ne pas céder aux sirènes de l'émotion, comme c'est trop souvent le cas. Notre rôle consiste donc bien sûr à examiner, avec l'ensemble des éléments techniques et scientifiques à notre disposition, les mesures qui nous sont proposées aujourd'hui.

Par ailleurs, je me permets de vous rappeler quelques principes juridiques. Je suis membre de la commission des lois et, à ce titre, je voudrais que l'on prenne des décisions qui soient guidées par des éléments juridiques.

La proposition de loi que nous examinons doit répondre aux questions urgentes puisque les décisions prises au mois de mars dernier par le Gouvernement nous ont placés devant le fait accompli, un fait que je considère comme révoltant. Mais cette loi doit également s'inscrire dans la durée en prévoyant l'ensemble des éventualités et en répondant aux questions énergétiques et environnementales qui pourront se poser dans dix ou quinze ans, voire dans vingt ans. Elle doit faire prévaloir les principes de précaution et de prévention, et plus généralement la préservation de l'environnement, de la santé et de la qualité de vie de nos concitoyens.

Au regard des éléments et des principes que je viens d'énoncer, ce texte de loi, notamment son article 2, me laisse dubitatif. Je l'ai dit lors de l'examen en commission du développement durable, bien que je n'en sois pas membre. Il me semble essentiel de rappeler les principes juridiques sur lesquels nous devons nous appuyer. À ce titre, le texte proposé présente des lacunes évidentes. En effet, il ne tient suffisamment compte ni du règlement européen Reach, ni de la directive-cadre européenne sur l'eau, ni de la Charte de l'environnement.

Premièrement, le règlement européen Reach sur l'utilisation des produits chimiques est crucial parce qu'il fait porter à l'industrie la responsabilité d'évaluer et de gérer les risques posés par les produits chimiques et de fournir des informations de sécurité adéquates à leurs utilisateurs. Les risques liés à l'utilisation de produits chimiques dans les techniques d'exploration et leur impact potentiel sur les nappes phréatiques sont évidents. Vous ne me contredirez pas, madame la ministre, puisque vous les avez vous-même rappelés.

Deuxièmement, l'utilisation de ressources hydrauliques pour la recherche semble totalement inappropriée, notamment dans les territoires où celles-ci sont limitées, en particulier les zones méditerranéennes. Je suis bien placé pour vous dire que le préfet du département de l'Ardèche vient de prendre des arrêtés en raison de la sécheresse. Utiliser des techniques de fracturation hydraulique qui peuvent conduire à court terme à puiser des millions de litres d'eau dans les nappes phréatiques ou dans les rivières a donc un impact environnemental.

Au-delà du principe de précaution auquel on se réfère souvent, la Charte de l'environnement insiste sur le principe de prévention. De plus, dans son article 6, elle dispose que « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable [et concilier] la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social ». À ce titre, l'impact que pourraient avoir les activités de recherche et d'exploitation sur le tissu économique des territoires concernés doit être pris en compte. En effet, la préservation de l'environnement apparaît pour de nombreux territoires comme essentielle au maintien de leur équilibre économique ; qu'il s'agisse d'activités touristiques ou du secteur agricole, des pans entiers de leur économie reposent sur un environnement et des paysages fragiles qui doivent être préservés. Il ne suffit pas d'abroger les permis d'exploration et d'exploitation déjà délivrés : il faut créer les conditions qui nous permettront d'envisager sereinement l'avenir puisque les questions énergétiques et environnementales resteront au coeur de nos préoccupations dans un monde où les ressources naturelles et énergétiques sont limitées et doivent être préservées.

Or le texte que nous examinons propose, dans son article 2, une définition des méthodes de recherche qui me semble très restrictive, et je soutiendrai des amendements pour cette raison. Cette définition ne concerne en effet que la technique de la fracturation hydraulique, et n'apporte donc pas des réponses à la mesure des enjeux de long terme auxquels nous sommes confrontés. Ne doutons pas que les firmes opérant dans ce secteur ne soient en mesure, à l'avenir, de déployer des trésors d'inventivité, technique ou sémantique, pour rendre cette loi caduque. Si nous ne prêtons pas une attention particulière à la formulation, nous aurons évidemment des recours.

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