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Intervention de Raymond Durand

Réunion du 10 mai 2011 à 21h30
Interdiction de la fracturation hydraulique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaymond Durand :

Ces craintes, nous les avons relayées au sein du Parlement. Nous avons d'ailleurs eu un débat de qualité en avril dernier à ce sujet, et plusieurs initiatives parlementaires, émanant aussi bien de la majorité que de l'opposition, ont été déposées sur les bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat.

La mesure de ces préoccupations locales a été prise aussi par le Premier ministre, qui a prolongé, le 11 mars dernier, le moratoire sur l'exploitation du gaz et des huiles de schiste. Les permis de recherche et les autorisations de travaux sont désormais suspendus jusqu'à la fin de la première quinzaine de juin.

Pour le Nouveau Centre, il s'agissait d'une prolongation nécessaire pour travailler à un cadre réglementaire serré.

Aujourd'hui, je tiens, au nom de mon groupe, à saluer les deux rapporteurs de cette proposition de loi, qui ont travaillé dans l'urgence et avec peu de données pour nous proposer un texte plus équilibré et éclairé que dans sa première version.

Ce cadre législatif, nous l'avons appelé de nos voeux lors du précédent débat dans cet hémicycle ; aussi nous réjouissons-nous de l'arrivée de cette proposition de loi à l'ordre du jour.

Une question, toutefois : pourquoi une telle précipitation, lorsque l'on sait que le rapport de MM. les députés Gonnot et Martin sera rendu dans les toutes prochaines semaines ?

Vous me répondrez : « principe de précaution ». La précaution est certes de mise car nous n'avons que peu d'informations – il faut bien le reconnaître – sur le sujet. Nous attendons à ce titre avec un grand intérêt les conclusions de la mission conjointe du Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies et du Conseil général de l'environnement et du développement durable sur la roche mère.

La remise du rapport d'étape le 15 avril dernier a été à ce titre éclairante. Ce rapport provisoire suggère aux ministres de retenir, s'agissant des hydrocarbures de roche mère, les principes suivants.

Lancer un programme de recherche scientifique sur les techniques de fracturation hydraulique et leurs impacts environnementaux, dans un cadre national. C'est véritablement indispensable, et les Européens convaincus que nous sommes en appellent même au niveau européen, pour une décision harmonisée à l'échelle communautaire.

Promouvoir la réalisation par les industriels d'un nombre limité de puits expérimentaux. En effet, dans l'état actuel de nos connaissances, les ressources en gaz et huiles de roche mère de notre pays restent largement inconnues. Pouvons-nous nous permettre de passer à côté ? Dans l'état actuel des méthodes de forage, oui, mais plus tard ? Nous posons la question et notons que les rapporteurs ont fait de leur mieux pour ne pas bloquer toute innovation. C'était important.

Favoriser l'émergence et la formation d'opérateurs et de sous-traitants nationaux susceptibles de se positionner sur le marché mondial. Ce principe doit nous guider dans l'ensemble des filières, notamment vertes.

Enfin, le rapport préconise, concernant les Causses-Cévennes, de parfaire les connaissances scientifiques sur le milieu spécifique de la région avant toute autre chose. C'est une décision sage.

Ces préconisations sont plutôt sages, je le redis. Toutefois, nous ne pouvons écarter les enjeux environnementaux qui entourent les techniques d'exploitation des gaz et huiles de schiste.

Nous l'avons exprimé en commission et lors du précédent débat sur cette énergie dans l'hémicycle : l'exploitation des gaz de schiste a deux conséquences potentiellement majeures pour l'environnement.

La première conséquence est mondiale, globale. En effet, la consommation de gaz participe à l'effet de serre et donc aux changements climatiques.

Bien sûr, l'effet varie suivant l'énergie à laquelle se substitue le gaz de schiste. La combustion d'une tonne équivalent pétrole de gaz naturel émet 2,3 tonnes de CO2, contre 3 tonnes pour le pétrole et 3,9 tonnes pour le charbon.

Cependant, regardons le bilan du « puits à la roue » comprenant l'ensemble des émissions pendant tout le cycle de vie, en particulier celles dues aux énergies utilisées pour la construction des puits et pour leur démantèlement, transport des matériels compris : là, le bilan est clairement moins bon !

La seconde conséquence est locale. Le risque est tout d'abord celui de la pollution des nappes souterraines par manque d'étanchéité des forages.

Ce risque est aggravé pour le gaz, qui est par nature éruptif, par rapport aux huiles, plus denses. Le risque réside donc dans la pollution des sols en cas de fuite des canalisations. Si le mélange injecté dans le sous-sol est composé à 98 % ou 99 % d'eau et de sable, a priori neutres pour l'environnement, les 1 % à 2 % restants contiennent des acides et produits gélifiants potentiellement dangereux pour l'homme et l'environnement.

Par ailleurs, la consommation d'eau par ces techniques est très élevée : de 15 000 à 20 000 mètres cubes par puits.

Enfin, l'implantation des machines à forer et des installations connexes peut produire du bruit et avoir un impact important sur les paysages.

Autant d'éléments qui démontrent encore un peu plus la non-neutralité de cette source énergétique.

Par ailleurs, les rapporteurs l'ont souligné, c'est d'une réforme plus globale de notre code minier qu'il doit être question. Le groupe Nouveau Centre salue la sagesse qui a prévalu : oui, il faut encore quelques semaines, quelques mois pour actualiser ces dispositions, alors ne nous précipitons pas dans cette tâche, à travers cette proposition de loi. Chaque chose en son temps !

Cette question a été soulevée d'une manière assez passionnée, il faut en convenir. Nous aurions aimé qu'elle puisse être étudiée de façon plus sereine, mais nous sommes aussi conscients que la raison demandait de tout remettre à plat.

C'est chose faite avec cette proposition de loi à laquelle notre groupe devrait se rallier.

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