Cette connivence choquante, chacun des articles de la proposition de la loi en porte la trace : c'est un texte sur mesure, qui montre bien les relations étroites unissant certains chasseurs à une partie de notre classe politique.
Votre regain d'intérêt pour la chasse à l'approche des élections vise, en réalité, à offrir de nouveaux privilèges à des chasseurs qui bénéficient déjà, dans bien des domaines, d'avantages exorbitants. Je pense notamment au droit de propriété, auquel vous êtes disposés à consentir de graves entorses, alors que vous y êtes en général très attachés, chers collègues de la majorité. J'imagine assez bien votre réaction si, dans un autre domaine, le préfet avait autorité pour réquisitionner des terrains afin d'y construire des logements sociaux, contre la volonté de leurs propriétaires qui préféreraient les conserver afin de spéculer : que de cris outragés n'entendrait-on alors devant cette inadmissible atteinte au droit de propriété ! Encore une fois, dès qu'il est question de chasse, c'est deux poids, deux mesures !
Nous ne souscrivons pas à la rédaction du premier article du texte, selon lequel « les chasseurs contribuent à la gestion équilibrée des écosystèmes ». On pourrait discuter, mais cela nous entraînerait assez loin, sur la notion de « gestion équilibrée des écosystèmes ». Si l'on voit ce que vous semblez vouloir dire, cela me laisse, personnellement, plutôt dubitatif. Je pense que les chasseurs peuvent effectivement contribuer à la gestion équilibrée des écosystèmes et, même si je ne suis pas d'accord avec eux sur tous les sujets, j'en connais qui, dans mon département, mènent des actions incontestables en la matière. Ainsi, il y a quelques années, lorsqu'Alain Juppé, Premier ministre, a voulu nous imposer la construction d'une nouvelle centrale nucléaire sur l'estuaire de la Loire, entre Nantes et Saint-Nazaire, les fédérations de chasseurs se sont opposées à ce projet, faisant valoir que celui-ci aurait pour effet de réduire encore les espaces naturels et de supprimer, en les remblayant, des zones humides favorisant la biodiversité.
Soyons honnêtes, tous les chasseurs ne partagent pas ce genre de préoccupation, et il en est qui ne contribuent pas à une gestion équilibrée des écosystèmes, voire qui nuisent au maintien de la biodiversité. Je pense aux pratiques anti-écologiques de certains conduisant à des prélèvements excessifs, par exemple lors de sorties de chasse effectuées en véhicules puissants à quatre roues motrices au sein de zones naturelles sensibles.
Ce premier article montre donc un manque de neutralité de la part des auteurs de cette proposition de loi : il constitue, au contraire, un clin d'oeil dans une certaine direction. Vous auriez dû dire que les chasseurs peuvent et doivent contribuer à la gestion équilibrée des écosystèmes : une telle affirmation volontariste aurait constitué un message clair à l'intention des fédérations. On pourrait d'ailleurs dire la même chose au sujet de la servitude de marchepied, évoquée tout à l'heure par Mme la ministre : que les chasseurs aient le droit de se promener sur les bords d'une rivière, je n'y vois rien à redire, mais qu'ils y manipulent des armes est une tout autre affaire ! Vous conviendrez, monsieur le rapporteur, qu'il y a tout de même une petite différence entre un chasseur et un promeneur ou un ornithologue :…