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Intervention de François Pupponi

Réunion du 4 mai 2011 à 10h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi, rapporteur :

Nous nous sommes fondés sur un constat assez simple, découlant en partie du rapport que nous avons remis, M. François Goulard et moi-même, sur la politique de la ville et l'aide aux quartiers défavorisés : en trente ans, la France n'a pas été capable de régler les problèmes sociaux qui se manifestent dans les quartiers dits en difficulté, traduisant ainsi une sorte d'impuissance de la République à aborder efficacement ces territoires relégués. Tous les rapports, y compris celui de l'Observatoire national des zones urbains sensibles (ONZUS) pour 2010, le démontrent : la situation sociale s'est même dégradée au cours de ces trente années, malgré tous les efforts accomplis par les gouvernements successifs, l'importance des investissements réalisés, en particulier par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et les moyens considérables mis en oeuvre. Malgré cela, le manque d'efficacité est criant.

Devant l'échec des politiques menées au cours des dernières années, il nous est apparu urgent, non de préparer un nouveau plan en faveur des banlieues ni d'aborder tout le champ d'intervention des politiques publiques dans les territoires concernés, mais de proposer, selon quatre axes prioritaires, une politique d'urgence permettant d'éviter une nouvelle dégradation et de mettre en oeuvre, à moyen et long terme, des actions publiques adaptées aux besoins.

Ces quatre axes concernent la gouvernance, la péréquation, l'emploi et le renouvellement urbain, l'idée étant d'intervenir de façon cohérente, concomitante et efficace sur chacun d'eux.

Concernant la gouvernance, il nous paraît important de bien définir les territoires, en distinguant deux catégories au niveau national : certaines villes sont des quartiers et d'autres ont des quartiers. Ainsi, lorsque 80 % de la population d'une ville se situe en zone urbaine sensible (ZUS), c'est évidemment sur l'ensemble du territoire communal qu'il faut intervenir. Lorsque, en revanche, une ZUS ne représente qu'une petite minorité dans une ville, il ne faut intervenir que dans le quartier correspondant. L'idée consiste donc à considérer soit une ville dans sa globalité, soit un quartier faisant partie d'une ville. Ce double zonage étant déterminé, un contrat unique de promotion sociale et territoriale sera proposé. Il portera sur le fonctionnement comme sur l'investissement, engagera l'ensemble des partenaires en relation avec la collectivité compétente, municipalité ou intercommunalité au niveau d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), figera la totalité des crédits pour les six années du mandat électif municipal, permettant ainsi de disposer d'une bonne visibilité d'intervention sur le territoire. On pourra fusionner les instances agissant dans ces quartiers, au moins l'ANRU et l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE), la question se posant aussi pour l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA). Notre volonté n'est pas de mettre en cause tel ou tel organisme, mais de favoriser la cohérence des interventions sur l'ensemble des territoires.

Nous proposons aussi que la politique de la ville et des quartiers soit directement rattachée au Premier ministre, seul garant de l'intervention harmonieuse de tous les ministères concernés, car nous avons constaté dans ces territoires un manque d'intervention du « droit commun ».

La péréquation financière est indispensable pour remédier à l'inefficacité induite par la concentration des populations les plus fragiles dans les villes qui ont le moins de moyens pour s'en occuper. C'est d'ailleurs le cas de l'ANRU, dont tout le monde salue l'efficacité. Mais si nous continuons le renouvellement urbain des quartiers, ainsi que nous le proposons, et que les communes et les quartiers rénovés ne disposent pas des moyens d'entretenir ce qui a été réalisé par l'ANRU, dans quelques années, les investissements s'en trouveront dégradés et l'espoir qui était né sera mis à mal. L'effet sur les populations concernées serait catastrophique et contreproductif.

La péréquation représente aujourd'hui environ 3,8 milliards d'euros. Nous proposons de doubler ce montant, avec une répartition équivalente entre péréquation verticale et péréquation horizontale. L'État doit redéfinir ses relations avec les collectivités locales et faire en sorte que des dotations plus importantes soient attribuées aux villes les plus en difficulté. Il faut aussi que les villes bénéficiant de ressources élevées partagent leur richesse. On ne saurait supporter davantage les distorsions actuelles de ressources et de charges entre les communes les plus riches et les plus pauvres. Il faut donc amplifier la mise en oeuvre du principe de la péréquation, au-delà de ce qui a déjà été réalisé avec la dotation de solidarité urbaine (DSU).

De nombreuses politiques publiques ont été mises en oeuvre, mais elles ont souvent oublié la problématique de l'emploi. Il est inacceptable que 42 % des moins de 25 ans soient au chômage dans ces territoires, contre 22 % seulement hors des ZUS. D'une façon plus générale, le chômage des populations concernées constitue un fléau pour la République. Le manque d'emplois favorise en effet le développement de l'économie souterraine et parallèle, gangrenant peu à peu tous ces territoires.

C'est pourquoi nous formulons une triple proposition : maintenir des dispositifs pouvant être assimilés à des zones franches, à savoir des aides fiscales et sociales permettant, au moins, de conserver les activités existantes, voire d'en créer. Les zones franches ont fait la preuve de leur efficacité. On peut espérer, dans un deuxième temps, favoriser l'emploi des habitants en dehors de leurs quartiers, car on ne pourra éradiquer le chômage par des dispositifs limités à ces quartiers. Il faudra instaurer pour cela des mécanismes d'accompagnement. Il convient enfin de lutter contre les discriminations et notamment sanctionner la discrimination à l'adresse.

Le renouvellement urbain exige de passer du Programme national de rénovation urbaine 1 (PNRU 1) au PNRU 2. Se pose toutefois la question de l'achèvement du financement du premier. Les années 2012 et 2013 seront très difficiles, du fait de la fameuse « bosse » de l'ANRU. Le PNRU 2, dont le financement ne se situerait pas nécessairement à la même hauteur que le précédent, devrait au moins permettre de terminer la rénovation des quartiers déjà engagée dans le cadre du PNRU 1 mais qui n'a pu faire l'objet d'un financement complet. On constate, en effet, en visitant certains des quartiers concernés, que la moitié seulement des travaux a été réalisée. Il faudra cependant modifier aussi certains des critères d'intervention du PNRU et de l'ANRU afin d'être plus efficient en matière de copropriété : on ne peut se contenter d'intervenir sur les seules copropriétés dégradées et sur l'habitat social public. Nous devrons lutter non seulement contre l'habitat insalubre et indigne, mais aussi faire en sorte, en écho à une proposition de loi de notre collègue M. Serge Letchimy, que soit également pris en compte le logement dans les départements d'outre-mer, problème délicat et douloureux.

Il faudra enfin veiller à ne pas attribuer, dans ces quartiers renouvelés, de logements de la « loi DALO » car le PNRU ne saurait avoir pour conséquence de créer de nouveaux ghettos. On ne peut en effet continuer d'envoyer les populations déjà les plus fragiles dans les zones qui sont aussi les plus défavorisées.

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